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Aventures et commentaires sur les événements du monde ou expériences personnelles... avec une sensibilité plus forte vers l'étonnement et la créativité
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Plus je m'éloigne des dernières habitations, mieux je me sens. La nuit et le silence doivent avoir envie de me
parler. Bientôt, plus aucune lueur artificielle ne se manifeste, tandis que la neige redouble d'efforts pour illuminer l'obscurité de son indicible phosphorescence. Elle apaise mon pas. Marcher
dans la neige est plus facile que sur le verglas, et si une des béquilles dérape, je suis tout de suite informé. Bonheur presque total. Quand je m'arrête, j'écoute. Enfin le silence ou plus
exactement le seul son des flocons qui caressent le sol ! Eh oui, on les entend. Les yeux s'accoutument à la nuit. Les bavardages dans la tête s'éteignent. Seul demeure le bonheur d'exister, la
joie d'être. Je mesure en cet instant, sans le formuler, la tromperie des mots, des masques et des convenances sociales... et peut-être aussi la difficulté de parler avec vérité et
authenticité.
La forêt est enfin là, enfermée derrière des clôtures. Nouvelle obscurité. Il faut passer par dessus une série de barres de fer sensées empêcher le passage des chevreuils et des sangliers. Pour quelqu'un de normal, le franchissement est aisé. Pour un handicapé et ses béquilles, c'est plus funambulesque. Je finis à quatre pattes, les mains glacées, mais je passe. Une nouvelle vague de plénitude, teintée toutefois d'une légère appréhension, balaie mon âme. On entend quelques craquements de branches. Mais ils refusent de signaler quelle vie s'y cache. Je caresse l'espoir de croiser un sanglier ou une biche. Je n'en entendrai pas, ni n'en verrai. Pas un oiseau non plus ne chante. Le chemin bifurque plusieurs fois. Je les prends au hasard. Parfois le noir est tel que je ne vois presque plus le sol. Cependant les variances de teintes, même nocturnes, sont infinies. Naturellement, je bute sur une pierre et me retrouve les deux mains dans la neige. Pas grave, c'est reparti. Les perceptions s'affinent.
Soudain une lueur diffuse plus accentuée apparaît vers la gauche, devant, au sein de la forêt. Je suis plein d'espoir : y aurait-il une sorcière dans sa chaumière en train de mijoter un philtre d'amour ? Des elfes seraient-ils en train de danser dans une clairière ? Quelques esprits ont-ils l'intention de sortir de l'invisible pour partager une bonne bouteille de rosé autour d'un feu ? Chouette alors ! Le chemin semble tourner autour de la lumière laiteuse et se rapprocher. Mais la clarté reste toujours au-delà de quelques rideaux d'arbres. C'est vexant. Je croise un chemin un peu plus large, je décide de le prendre à gauche, plein sud. La mystérieuse luminosité a basculé à droite cette fois et elle continue à m'interpeller du coeur de la forêt. Je pense à une trouée où la Lune s'infiltrerait. Mais impossible, le ciel est couvert et le flux calme de la neige continue à descendre. Je ne saurai jamais d'où venaient ces lueurs.
Publié le 05/01/2010 à 11h56 dans Buissonnement de la vie