L'homme,
maître et possesseur de la nature |
«Sitôt
que j'ai acquis quelques notions générales touchant la physique, et
que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières,
j'ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles
diffèrent des principes dont on s'est servi jusqu'à présent, j'ai
cru que je ne pouvais les tenir cachées, sans pécher grandement contre
la loi qui nous oblige à procurer, autant qu'il est en nous, le bien
général de tous les hommes. Car elles m'ont fait voir qu'il est possible
de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et
qu'au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les
écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant
la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des
cieux et de tous les corps qui nous environnent, aussi distinctement
que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les
pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont
propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.
Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité
d'artifices, qui feraient qu'on jouirait, sans aucune peine, des fruits
de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement
aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le
premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.»
[Descartes:
Discours de la Méthode, Paris, 1641, 10/18, p.74]

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