«SALVIATI:
Enfermez-vous avec un ami dans la plus
vaste
cabine d'un grand navire, et faites en sorte que s'y trouvent également
des mouches, des papillons et d'autres petits animaux volants, qu'y
soit disposé un grand récipient empli d'eau dans lequel on aura mis
des petits poissons; suspendez également à bonne hauteur un petit
seau et disposez-le de manière à ce que l'eau se déverse goutte à
goutte dans un autre récipient à col étroit que
vous aurez
disposé en dessous; puis alors que le navire est à l'arrêt, observez
attentivement comment ces petits animaux volent avec des vitesses
égales quel que soit l'endroit de la cabine vers lequel ils se dirigent;
vous pourrez voir les poissons nager
indéfiniment dans toutes les directions; les gouttes d'eau tomberont
toutes dans le récipient posé par terre; si vous lancez quelque objet
à votre ami, vous ne devrez pas fournir un effort plus important selon
que vous le lancerez dans telle ou telle direction, à condition que
les distances soient égales; et si vous sautez à pieds joints, comme
on dit, vous franchirez des espaces semblables dans toutes les directions.
Une
fois que vous aurez observé tout cela -il ne fait aucun doute que
si le navire est à l'arrêt les choses doivent se passer ainsi -faites
se déplacer le navire à une vitesse aussi grande que vous voudrez;
pourvu que le mouvement soit uniforme et ne fluctue pas de ci de là,
vous n'apercevrez aucun changement dans les effets nommés, et aucun
d'entre eux ne vous permettra de savoir si le navire avance ou s'il
est arrêté. Si vous sautez, vous franchirez sur le plancher les mêmes
distances qu'auparavant, et, si le navire se déplace, vous n'en ferez
pas pour autant des sauts plus grands vers la poupe que vers la proue,
bien que, pendant que vous êtes en l'air, le plancher qui est en dessous
ait glissé dans la direction opposée à celle de votre saut; si vous
jettez quelque objet à votre ami, il ne vous faudra pas le lancer
avec plus de force pour qu'il lui parvienne, que
votre
ami se trouve vers la proue et vous vers la poupe, ou que ce soit
le contraire; les gouttes
d'eau tomberont comme auparavant dans le récipient qu'on
aura mis en dessous, sans qu'une seule goutte ne tombe du côté de
la poupe, bien que, pendant le temps où la goutte est en l'air, le
navire ait parcouru plus d'un empan; les poissons dans leur eau nageront
sans plus d'effort vers l'une ou l'autre partie du récipient dans
lequel on les aura mis et ils se dirigeront avec d'autant d'aisance
vers la nourriture quel que soit l'endroit du bord du bocal où elle
aura été placée; enfin les papillons et les mouches continueront à
voler indifféremment dans toutes les directions. Et on ne les verra
jamais s'accumuler du côté de la cloison qui fait face à la poupe;
ce qui ne manquerait pas d'arriver s'ils devaient s'épuiser à suivre
le navire dans sa course rapide.»
Dialogo
Première journée (Traduction F. Balibar et J.B. Para)
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