|   
                 
                 Point 
                  de vue de Leibniz 
                «Monsieur 
                  Newton et ses sectateurs ont encore une fort plaisante opinion 
                  de l'Ouvrage de Dieu. Selon eux, Dieu a besoin de remonter de 
                  temps en temps sa Montre : autrement, elle cesserait d'agir. 
                  Il n'a pas eu assez de vue, pour en faire un Mouvement perpétuel. 
                  Cette Machine de Dieu est même si imparfaite selon eux, qu'il 
                  est obligé de la décrasser de temps en temps par un concours 
                  extraordinaire, et même de la raccommoder, comme un Horloger 
                  son Ouvrage; qui sera d'autant plus mauvais Maître, qu'il sera 
                  plus souvent obligé d'y retoucher et d'y corriger. Selon mon 
                  sentiment, la même force et vigueur y subsiste toujours, et 
                  passe seulement de matière en matière, suivant les lois de la 
                  Nature et le bel Ordre préétabli. Et je tiens, quand Dieu fait 
                  des Miracles, que ce n'est point pour soutenir les besoins de 
                  la Nature, mais pour ceux de la Grâce. En juger autrement, ce 
                  serait avoir une idée fort basse de la sagesse et de la Puissance 
                  de Dieu» 
                (Leibniz 
                  : Lettre à Mme la Princesse de Galles, 
                  Novembre 1715. 5ème écrit)   | 
                
                
                 Point de vue des Newtoniens 
                 «L'idée 
                  de ceux qui soutiennent que le Monde est une grande Machine, 
                  qui se meut sans que Dieu y intervienne, comme une Horloge continue 
                  de se mouvoir sans le concours de l'Horloger; cette idée, dis-je, 
                  introduit le Matérialisme et la Fatalité; et sous prétexte de 
                  faire Dieu une Intelligentia Supramundana, elle tend 
                  effectivement à bannir du Monde la Providence et le Gouvernement 
                  de Dieu. J'ajoute que par la même raison qu'un Philosophe peut 
                  s'imaginer, que tout se passe dans le Monde, depuis qu'il a 
                  été créé, sans que la Providence y ait aucune part; il ne sera 
                  pas difficile à un Pyrrhonien de pousser ses raisonnements plus 
                  loin, et de supposer que les choses sont allées de toute éternité, 
                  comme elles vont présentement, sans qu'il soit nécessaire d'admettre 
                  une Création, ou un autre Auteur du Monde que ce que ces sortes 
                  de Raisonneurs appellent la Nature très-sage et éternelle. Si 
                  un Roi avait un Royaume, où tout se passerait sans qu'il y intervint, 
                  et sans qu'il ordonnât de quelle manière les choses se feraient, 
                  ce ne serait qu'un Royaume de nom par rapport à lui, et il ne 
                  mériterait pas d'avoir le nom de Roi ou de Gouverneur. Et comme 
                  on pourrait soupçonner avec raison que ceux qui prétendent, 
                  que dans un Royaume les choses peuvent aller parfaitement bien 
                  sans que le Roi s'en mêle, comme on pourrait, dis-je, soupçonner 
                  qu'ils ne seraient pas fâchés de se passer du Roi, de même on 
                  peut dire que ceux qui soutiennent que l'Univers n'a pas besoin 
                  que Dieu le dirige et le gouverne continuellement, avancent 
                  une Doctrine qui tend à le bannir du Monde» 
                (Clarke, 
                  disciple et ami de Newton. 1er écrit)    |