La
controverse Newton (Clarke)-Leibniz


CONCLUSION
: Qui a gagné ?
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Ilya
Prigogine et Isabelle Stengers pensent que Newton
était au fond très peu newtonien, au sens où nous
l'entendons aujourd'hui. C'est Leibniz,
avec son principe
de raison suffisante et son mathématisme, qui
défend ce que nous appelons aujourd'hui la "vision newtonienne"
du monde : un monde en mouvement perpétuel, où causes
et effets s'entre-engendrent perpétuellement sans faire appel
à d'autres forces dans la nature. Newton-Clarke, en revanche,
parlent de l'activité de la nature comme celle d'un travailleur
perpétuel ayant besoin de faire appel en permanence à une puissance
supérieure.
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Pour
ce qui est de l'espace absolu et du vide, la conception de Newton
va dominer jusqu'à Einstein.
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L'atomisme de Newton semble également
triompher face aux monades
de Leibniz et son principe des indiscernables. Mais
dans le cadre de la physique nucléaire et quantique, l'atomisme naïf
de Newton est très fragile.
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La vision de Newton selon laquelle le monde abandonné à lui-même
s'effondrerait dans le chaos, reprend une curieuse actualité aujourd'hui...
Quant à l'aspect
théologique... :
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pour
ce qui est du miracle, la position de Leibniz est sensée. Le
miracle n'est pas une exception aux lois de la nature, mais
l'événement de la nature lui-même.
-
la
vision leibnizienne d'un Dieu qui voit et prévoit tout d'avance
est difficilement acceptable pour les mentalités d'aujourd'hui.
Même si ce Dieu est bon et raisonnable, cette représentation
est une des sources profondes de l'athéisme des XIXème
et XXème siècles. L'idée newtonienne d'un Dieu qui accompagne
et soutient la nature semble plus recevable aujourd'hui... (voir
la pensée de Hans Jonas par exemple...)
-
Le débat inachevé et irréductible de ces deux génies de la pensée
est aussi le constat d'une contradiction essentielle entre diverses
visions du monde.
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Elle
peut mener au scepticisme tel qu'il s'est développé ensuite
chez Hume par exemple
ou dans le positivisme contemporain : il ne faut pas s'occuper
des problèmes qui dépassent l'entendement.
Pour
ma part, je trouve ce choix triste, si la pensée finit ainsi
!
Pour
illustrer la controverse, je vous invite à lire deux
textes, l'un de Leibniz contre Newton, l'autre de Newton
contre Leibniz (sans commentaires de ma part) : vous verrez comment
science, politique, religion et éthique sont entremêlés !
Quelques
éléments bibliographiques :
-
Correspondance Leibniz-Clarke. Présentée d'après les manuscrits
originaux des bibliothèques de Hanovre et de Londres par André Robinet.
Paris, P.U.F., 1957.
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Bernard Piettre: "Philosophie et science du temps"
Que sais-je ?
- Prigogine et Stengers : "Entre le temps et l'éternité"
- Alexandre Koyré : "Du monde clos à l'univers infini"