|   Whitehead 
                  écrit à l'époque que «l'idéal 
                  des mathématiques doit être de construire un calcul 
                  dans tous les domaines de la pensée, ou de l'expérience 
                  externe, où la succession des pensées et des événements 
                  peut être constatée avec exactitude. De telle sorte 
                  que toute pensée sérieuse qui ne relève 
                  ni de la philosophie, ni du raisonnement inductif, ni de la 
                  littérature devra être une mathématique 
                  développée au moyen d'un calcul.» [Préface 
                  au Traité d'Algèbre Universelle] et il ajoute 
                  «la logique symbolique en viendra 
                  à conquérir l'éthique et la théologie.» 
                  [Principia] 
                
                  Wouaouh, 
                    impressionnant...  
                    et un peu effrayant, n'est-ce pas ? 
                   
                    mais Whitehead aura le temps de changer...  
                    et déjà à l'époque il écrit 
                    aussi : 
                    «La science ne fait que rendre 
                    plus urgente la nécessité d'une métaphysique.» 
                    [le Concept de Nature] et il continue en affirmant 
                    qu'il est nécessaire «de 
                    poser les bases d'une philosophie de la nature, qui est la 
                    présupposition d'une physique théorique réorganisée.» 
                  Les 
                    balises de son évolution future sont posées. 
                 | 
                Russell 
                  explique de son côté que «le 
                  but premier des Principia Mathematica était de 
                  montrer que toutes les mathématiques pures découlent 
                  de pures prémisses logiques, et n'utilisent que des concepts 
                  définissables en termes logiques..»  | 
            
             
              |   Je 
                  ne peux m'empêcher de citer ce mot merveilleux de Russell 
                  de 1948 caractérisant son travail, son amitié 
                  pour Whitehead, et finalement la raison de leur séparation: 
                «Whitehead 
                  fut toujours d'une bonté très exceptionnelle, 
                  et de professeur qu'il était devint progressivement un 
                  ami... Notre collaboration fut toujours parfaitement harmonieuse. 
                  Whitehead était plus patient, plus précis et plus 
                  soigneux que moi, et m'évita souvent de traiter sommairement 
                  et superficiellement des difficultés que j'estimais sans 
                  intérêt. En revanche, je trouvais parfois qu'il 
                  traitait les questions d'une manière inutilement compliquée, 
                  et découvrais les moyens de simplifier ses projets. Ni 
                  l'un, ni l'autre n'aurait pu écrire seul ce livre; même 
                  ensemble, et avec l'allègement qu'apportait la discussion 
                  mutuelle, l'effort était si rude qu'à la fin nous 
                  nou détournâmes tous deux de la logique mathématique 
                  avec une sorte de nausée. Il était probablement 
                  inévitable que, ce faisant, nous optâmes pour des 
                  directions différentes, si bien que la collaboration 
                  ne fut plus possible.» 
                  [cité par Alix Parmentier : "Whitehead et le problème 
                  de Dieu"] 
                L'allusion 
                  à la "complication" illustre bien l'incompréhension 
                  future de Russell à l'égard de son ami: en fait, 
                  Whitehead, le futur philosophe de la complexité, creuse 
                  les questions jusqu'au bout...  |