Jeudi 8 octobre 2009 4 08 /10 /2009 09:50

"Il n'y a pas de raccourci vers la vérité". Le mot est de Whitehead. En d'autres termes, les solutions ou réponses rapides aux interrogations de fond sont suspectes, voire certainement fausses ou mensongères. Le mot "vérité", employé à toutes les sauces dans certains milieux, est également équivoque.

Illustration : depuis plusieurs mois, je travaille dans un centre de recherche, de réflexion et de formation appartenant au genre chrétien, de l'espèce catholique. Un lieu, soit-dit en passant, où on ne craint pas les interrogations et les confrontations.
Or, plus souvent que je ne le pensais, je croise dans la nébuleuse qui entoure ce centre, des personnes, très sympathiques au demeurant, tombant dans les pièges les plus grossiers des propagateurs médiatiques d'âneries. Deux exemples, dont l'un va m'arrêter plus longuement, puisqu'il me touche particulièrement.

  • Le premier concerne le doute de plusieurs personnes à l'égard du réchauffement climatique (que je préfère appeler "dérèglement climatique") dû à l'effet de serre provoqué par la civilisation industrielle , à la suite de la lecture du racoleur ouvrage de Claude Allègre "ma vérité sur la planète" (tiens ? La vérité !) et d'articles divers. Je ne rejette pas la remarque d'Allègre selon lequel l'esprit catastrophique n'apportera rien de positif. Pour le reste, je préfère apporter ma confiance aux dizaines de milliers de chercheurs qui quadrillent la Planète et qui observent le dérèglement du climat, et plus encore aux travaux et aux publications du GIEC et de l'ONU sur le sujet, travaux qui n'ont rien de la pensée unique comme on voudrait nous le faire croire.
    Pour ce qui est des réponses, je renvoie au site de Jean-Marc Jankovici (qui m'a dit qu'il y avait une moyenne de trois sottises par page dans l'ouvrage d'Allègre) : www.manicore.com et si vous avez l'esprit polémique, lire l'article de Libé : "les réponses de Libération".

  • Le second concerne le récurrent problème des relations entre les sciences et les religions, qui prend aujourd'hui la forme de l'avatar "créationnisme" ou plus subtilement de l"intelligent design". J'ai moi-même été accusé d'une telle dérive dans mon propre blog, ce qui est un peu fort de café, sachant que je réfléchis ces questions depuis plus de 30 ans, bien avant l'apparition médiatique des nouveaux créationnistes. J'ai même perdu des amis (dont une jolie femme) à cause de cela !

Rappelons les éléments de la réflexion. L'évolution des espèces est un fait scientifique. Il était connu bien avant Darwin qui, le pauvre, condense contre lui toutes les haines et les méchancetés possibles. Je renvoie à l'excellent livre "la révolution de l'évolution" du bien académique Denis Buican, qu'on ne peut quand même pas accuser de partialité.

  • En fait, il faut distinguer deux points : l'un est le fait de l'évolution naturelle. L'autre est celui du mécanisme qui explique l'évolution. Le fait est incontestable. Les mécanismes, eux, sont objet de recherche et d'interprétation scientifique. Dans la théorie darwinienne, il y a des absences, des trous, notamment en ce qui concerne les chaînons manquants. Est-ce une raison pour glisser Dieu ou je ne sais quelle intervention surnaturelle dans ces trous ? Non. Cela n'a rien à voir. On ne répond pas à une question scientifique par une croyance. Un problème scientifique se règle par une théorie ou modèle scientifique, éventuellement par un changement de paradigme scientifique (ce que j'encourage), et donc par une réflexion épistémologique (PUB : Relire Bacon, Galilée ou Descartes sur mon site). Quant au Dieu qu'on fabrique tout exprès pour glisser dans ces trous, il est une fois de plus une jolie petite invention destinée à la paresse intellectuelle et au racolage apologétique.

Jusqu'ici, je pensais que le créationnisme était l'affaire de quelques cowboys du fond du Kansas ou de quelques sarrazins sur les frontières. Je l'avais aussi entendu chez des adventistes et des évangéliques. Hélas non ! On le trouve maintenant dans les milieux catholiques que je pensais plus avisés, quatre siècles après l'affaire Galilée, un siècle et demi après les déclarations de Vatican I sur les relations science et foi, cinquante ans après la mort de Teilhard. Et huit siècles après la distinction scolastique établie par Thomas d'Aquin (*) entre la Cause première (concernant l'être), et les causes secondes (concernant les étants).

Igor et Grichka Bodganov Il est vrai qu'au cœur de la Curie romaine elle-même, il y a quelques années, j'étais tombé un jour sur un document officiel bien maladroit, influencé très clairement par l'ouvrage de Jean Guitton et des inénarrables frères Bodganov "Dieu et la science", qui, pour caricaturer, trouvait Dieu dans le comportement des électrons !!! Sans commentaire !


Petit rappel biblique et authentiquement théologique : le fondement de la Torah commence par « Écoute Israël », puis par « Tu ne te fabriqueras pas d'image de Dieu » (du moins pas avant d'avoir écouté !). Et un autre mot de Jésus celui-là, que je transforme pour l'occasion : « rendez à la science ce qui est à la science, et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Et bien sûr encore Whitehead : pas de raccourci vers la vérité, SVP.

 

(*) J'interdis, à ceux qui connaissent mon allergie à Thomas d'Aquin, de rire ! Non mais !

Par Nicorazon - Publié dans : Et Dieu dans tout cela
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires - Partager    
Retour à l'accueil

Présentation

Créer un Blog

Recherche

Calendrier

Décembre 2010
L M M J V S D
    1 2 3 4 5
6 7 8 9 10 11 12
13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30 31    
<< < > >>
Créer un blog gratuit sur over-blog.com - Contact - C.G.U. - Rémunération en droits d'auteur - Signaler un abus - Articles les plus commentés