Dimanche 24 mai 2009
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			Il n'est pas un jour où un article, dans une revue scientifique, ou une émission, de préférence sur France Culture, n'évoque
  l'illusion de la liberté en raison des conditionnements de notre nature ou de l'environnement social. Sans prétendre résoudre un problème vieux comme la
  pensée, je voudrais remettre quelques idées en place.
  
    - 
      Il y a quatre approches possibles de la question de la liberté : une approche matérialiste, une approche existentielle
      (celle de Sartre ou de Merleau-Ponty), une approche juridique et
      politique (songer à Hannah Arendt et son impitoyable défense de la liberté) une approche spiritualiste (celle de Bergson ou de Jankelevitch, par exemple). Ces trois dernières
      approches ne concernent pas l'article présent. Je voudrais démontrer que l'approche matérialiste qui nie l'existence d'une liberté en soi s'égare. Je
      sais, c'est un challenge difficile à surmonter et il est plus simple, mais quelque peu lâche, d'aller se réfugier dans les perspectives alternatives.
    
L'approche matérialiste se fourvoie toujours de la même manière, par excès d'abstraction (c'est-à-dire de séparation et
  de généralisation).
  
  
 Depuis plus de vingt ans, je
  suis abonné à la revue "La Recherche". C'est une revue scientifique magnifique dans laquelle je me délecte. Elle révèle les formidables mécanismes qui
  habitent le cosmos, les mouvements célestes, les mystères de la matière et des molécules, les processus vivants, biologiques, physiologiques, génétiques ou écologiques, le fonctionnement du
  cerveau, les structures de la psychologie ou de la sociologie. Sans oublier des jeux mathématiques. Le traitement des articles est scientifique, c'est-à-dire qu'il
  cherche les lois et les causes matérielles de tel ou tel phénomène, de telle ou telle structure, de tel ou tel événement,sans se préoccuper de finalité globale. Les méthodes et les
  déterminants sont toujours les mêmes : le dialogue expérimental. On pose des hypothèses, on les vérifie par l'expérience, et on extrait des conclusions les plus larges et les plus précises
  possibles. Puis on recommence.
Depuis plus de vingt ans, je
  suis abonné à la revue "La Recherche". C'est une revue scientifique magnifique dans laquelle je me délecte. Elle révèle les formidables mécanismes qui
  habitent le cosmos, les mouvements célestes, les mystères de la matière et des molécules, les processus vivants, biologiques, physiologiques, génétiques ou écologiques, le fonctionnement du
  cerveau, les structures de la psychologie ou de la sociologie. Sans oublier des jeux mathématiques. Le traitement des articles est scientifique, c'est-à-dire qu'il
  cherche les lois et les causes matérielles de tel ou tel phénomène, de telle ou telle structure, de tel ou tel événement,sans se préoccuper de finalité globale. Les méthodes et les
  déterminants sont toujours les mêmes : le dialogue expérimental. On pose des hypothèses, on les vérifie par l'expérience, et on extrait des conclusions les plus larges et les plus précises
  possibles. Puis on recommence.
  
  Il y a plusieurs manières de lire une telle revue : par addition ou par croisement.
  
    - 
      Si j'additionne chaque article indépendamment l'un de l'autre, je découvre que
      mon être corporel, psychologique ou social, est complètement déterminé par ses structures ou son fonctionnement. Bien sûr, je me déplace, tiens debout, tourne
      la tête, articule et commande mes doigts en fonction de lois de la gravitation, de la mécanique ou du flux 'électrique transmis par le réseau nerveux. Mon émotivité ou ma tendance impatiente
      sont dues à tel gène, telle hérédité, telle série d'événements de la petite enfance, telle éducation. Le développement de telle maladie est dû à un terrain immunitaire favorable ou défavorable.
      L'attirance pour telle ou telle femme est lié à un environnement particulier ou un archétype profond. Si je pense de cette manière-ci ou là, c'est en raison des possibilités, mais aussi des
      limites, de la langue française. Pire encore, l'attrait que j'éprouve pour la philosophie ou la spiritualité vient d'une configuration particulière du cerveau. Lus ainsi à la queue
      leu leu, ces articles finissent par persuader que la liberté, enfermée dans tous ces déterminismes, est inexistante et que chaque sentiment, décision, acte est conditionné par le corps, la
      nature ou "l'imprinting socio-culturel".
    
  En réalité, on oublie que chaque article scientifique est le résultat, en amont, d'un travail d'abstraction. Il a fallu définir les présupposés de
  concepts, de méthode et de partage disciplinaire pour conjecturer, modéliser, expérimenter, réfuter. Il y a même parfois des préjugés, comme l'idée selon laquelle nous sommes déterminés par nos
  gènes ou par notre cerveau, attitude pas très différente de celle qui au XVIIIème siècle pensait que l'on était déterminé par les mécanismes de la m
 atière. Sans oublier que l'histoire des sciences
  est celle de combats avec des vainqueurs et des vaincus, et donc élimination, souvent au profit du plus "simple", selon la bonne vieille méthode du rasoir d'Occam (*), comme l'ont analysé
  avec pertinence et humour Thomas Kuhn ou Paul Feyerabend. Bon admettons :
  excusez-moi de cette incise, j'ai dit que je désirais rester dans un cadre matérialiste.
atière. Sans oublier que l'histoire des sciences
  est celle de combats avec des vainqueurs et des vaincus, et donc élimination, souvent au profit du plus "simple", selon la bonne vieille méthode du rasoir d'Occam (*), comme l'ont analysé
  avec pertinence et humour Thomas Kuhn ou Paul Feyerabend. Bon admettons :
  excusez-moi de cette incise, j'ai dit que je désirais rester dans un cadre matérialiste.
  
  
    - 
      Une méthode réaliste et plus proche du concret de lire les articles de la Recherche consiste à croiser entre eux les multiples déterminismes révélés par les disciplines distinctes. D'une part, chaque théorie un peu complexe possède en soi, depuis la
      démonstration de Gödel, sa part d'indétermination. D'autre part, chaque système énergétique ou physique (a fortiori biologique ou
      psychologique) s'intègre dans une zône d'incertitude.
 De plus, et c'est là la clé, la rencontre de deux séries déterministes indépendantes, a démontré le mathématicien Cournot, donne naissance au hasard. Plus vous croisez de telles séries, plus l'espace indéterminé s'élargit, s'intensifie, se diversifie et se complexifie. Pour un être organique et cérébral aussi
      complexe que l'être humain, cet espace de croisements est d'une telle richesse qu'il est absolument impossible de le circonscrire. C'est ici que surgissent la conscience (comme unité organique
      qui recouvre les déterminismes) et surtout l'étendue de la liberté. Elle se situe dans l'aire des croisements innombrables de ses structures, de ses
      fonctions, de son environnement psychique, social et culturel. Il faut dépasser l'idée première selon laquelle la liberté est d'abord une indépendance : c'est nécessaire, mais
      insuffisant.
 
  J'irai plus loin : toujours sous l'angle matérialiste, plus il y a de déterminismes dans l'être humain, plus il est libre. Le savoir et l'expérience, autant que les conditionnements
  biologiques et culturels, sont donc des atouts pour la liberté, à condition bien sûr de ne pas être nos maîtres. C'est ce qu'avait
  remarquablement vu Whitehead (oui, encore lui !) dans "Process and Reality" en expliquant que seuls les êtres complexes sont capables d'évoluer, de créer, de se diversifier, de goûter
  l'imperceptible. Le feeling, le sentiment, l'intuition sont des subtilités des êtres évolués et non, comme le croyaient les anciens, des formes subalternes de
  l'esprit rationnel.
  
    - 
      J'espère avoir convaincu le lecteur : il n'a aucune raison de ne pas croire en la liberté, en ses intuitions et en sa
      créativité, et il peut maintenant s'ouvrir les autres champs, celui de l'existence, de l'esprit, du droit et du politique.
    
    
      Ce matin, depuis 5 heures, les oiseaux font un tintamarre incroyable dans le sous bois
      derrière la maison. Si je les écoute un à un, je m'émerveille de chaque mélodie indépendante... quoiqu'au bout d'un certain temps, elles soient un peu monotones. Mais si je les croise entre
      elles, l'espace harmonique, symphonique même, est d'une richesse créative qui touche non plus seulement l'intelligence, mais le coeur. c.q.f.d.
     
   
  
  Cliquer sur la vidéo pour écouter les oiseaux... La photo est celle du fond du jardin
  
   
  
    - (*) Principe du rasoir de Guillaume d'Occam : « pluralitas non est ponenda sine necessitate » : Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité »
    
 
		
										
								Par Nicorazon			
													
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				Publié dans :				Penser autrement
			
															
    										
					
									  											
			
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Si j'additionne, je vais chercher implicitement une cause première qui, dans le cadre du matérialisme, se cherchera par analyse de plus en plus fine des phénomènes jusqu'au niveau atomique et même en deça.
Si je croise, je laisse la porte ouverte à la multiplicité des causes qui fait place au jeu des influences croisées.
Dans les deux cas, on reste néanmoins "prisonnier" d'un processus d'explication par l'effet qui provient d'une cause, et d'une cause qui produit immanquablement son effet.
D'un point de vue opposé, supposons que l'on me démontre que je ne suis pas libre,et que toutes mes pensées et mes actions sont déterminées par des phénomènes matériels. Qu'est-ce que ça change pour moi ? RIEN. Je suis toujours obligé de prendre des décisions (illusoires dans ce cas de figure), d'aller à droite ou à gauche, de regarder la télévision ou parler avec mon épouse ou lire un livre. Les limites de ma pensée m'empêcheront d'embrasser la complexité des causes qui m'auraient déterminé, car celles-ci devraient inclure toutes les relations avec toutes les entités de la nature, ce qui est impossible. Je peux donc me croire libre, même si je ne le suis pas, et je suis bien obligé de faire comme si je l'étais, pour prendre les décisions parfois très simples qui conditionnent mon existence même.
Cela me fait beaucoup rire. Malheureusement, beaucoup de gens prennent cela au sérieux.
Une cinquième liberté ? Oui, c'est possible, mais il me semble qu'elle relève de l'expérience existentielle, spirituelle ou mystique. Je ne situais pas l'article sur ce terrain.
Merci.
Autrement dit : "le cerveau est compliqué, donc Dieu", hein, je suppose ?
J'aimerais bien savoir ce qu'on peut connaître autrement qu'en posant sur la table les différents éléments dont on dispose, en les comparant, en les soupesant, en les mesurant, en y réfléchissant pour leur trouver leur cohérence. Autrement dit en faisant de la science.
Autre approche de la connaissance que par la science ? Jamais vu. J'attends toujours un exemple. Qu'a-t-on jamais appris par la religion ? Rien. À vivre ? Même pas.
Tu fais le vieil argument du "god-of-the-gaps", Dieu des trucs qu'on ne connait pas. Comment peut-on encore se laisser prendre à ce piège ? La science, au moins, prouve, avance et apporte au monde. La religion ne prouve rien, n'avance pas - ou si peu, et avec réticence - et n'apporte rien au monde, elle se contente de regarder par dessus l'épaule de la science et de voler ses mots techniques pour ses propres fins.
Ses propres fins, c'est démontrer qu'on vit après la mort, qu'on existe quand on n'existe plus : une absurdité totale, jamais démontrée par personne. Ah, ça fait plaisir, c'est sûr, mais ça n'a aucune substance.
Wishful thinking.
Bien joué, en ne répondant à aucune de mes remarques. Serais-tu devenu athée ? Super !
À propos, la "conscience", c'est un truc scientifique ou un truc surnaturel ? Apparemment, d'après ton texte, c'est pas un truc scientifique. J'en déduis que c'est du surnaturel, de la même nature que ton Dieu. C'est donc en plein dans le sujet.