Mardi 30 décembre 2008 2 30 /12 /2008 10:58
à l'attention de ma mère qui me demande comment je peux aimer la Bible !

Dans le dernier numéro de "la Recherche", journal auquel je suis abonné sans interruption depuis plus de 20 ans, un des chroniqueurs, sociologue de métier, écrit un article apparemment original sur la "religiosité" du marché : la fameuse "main invisible" providentielle d'Adam Smith, la divinité du commerce, la "vulgate" économique, la "foi aveugle" dans le dogme du marché, les "prêtres de Wall Street", l'école de Chicago qui forme des maîtres et des disciples etc.
Quand je dis "original", j'exagère un peu, car quand on a fait un peu de théologie, qu'on s'est frotté à des exégèses et de bonnes herméneutiques, on sait que le vocabulaire religieux transpire de partout. L'auteur parle aussi de "l'ontologie divine" ou de "la théologie calviniste" qu'il n'a sans doute jamais lue.

  • Comme d'habitude, il y a des dérapages : ainsi, le sociologue de "la Recherche" parle de l'individu "sommé de se soumettre aux impératifs du marché, écrasé par un déterminisme encore plus impitoyable que celui du dieu biblique". Autant la première proposition me convient, autant la seconde me fait rigoler, ajoutant une perle de plus à un petit catalogue d'âneries que je commence à collectionner et qui circulent dans les milieux intellectuels bien pensants.
Et bien non : le dieu biblique n'a rien de déterministe, c'est très exactement le contraire. La tradition juive dit même que la Bible a inventé la liberté, bien plus que la philosophie grecque. Adonaï passe son temps à proposer des alliances, à discuter avec ses prophètes, amis et envoyés, à les pousser à se libérer des esclavages, égyptien notamment, ou des sécurités religieuses des cananéens, assyriennes, babyloniennes, à s'énerver parce que Moïse ou le peuple récriminent parce qu'ils voudraient qu'on les laisse dans leurs petits conforts domestiques. Le dialogue entre Moïse et Adonaï sur le Sinaï est de ce point de vue savoureux : Adonaï propose à Moïse un travail (en commun) de libération du Peuple hébreu, mais Moïse n'arrête pas de rouspéter trouvant mille arguments à opposer pour rester tranquillement à garder ses moutons. Dieu lui offre de nombreuses garanties pour le sécuriser dans sa mission jusqu'à ce qu'à la fin, le texte dise que Dieu commença à s'énerver ! Cela ressemble plus à un père qui donne des coups de pied aux fesses pour que son enfant se libère et parte à l'aventure, qu'un empereur tout puissant qui contrôle tout son empire ou qu'une Cause Première qui mécanise toute la réalité physique. Tout le contraire du "fatum", du "Destin" imposé. J'ajoute en passant que les images hollywwodiennes ou disneyennes de Moïse ne correspondent pas au Moïse de la Bible, homme peureux, lâche, râleur qui ne s'aguerrira qu'avec les événements.
De plus, ce Dieu console ceux qui sont dans le désert, qui ont peur, Il s'engage personnellement à aider et ne pas abandonner les pauvres, les laissés pour compte de l'existence, les chercheurs. Et Il disparaît systématiquement dès que quelqu'un essaie d'avoir la main dessus ou de l'instrumentaliser.
Et ne parlons pas ici des évangiles pour lesquels le visage divin n'a pas grand chose à voir avec l'ontologie que croit voir l'auteur de l'article.

  • Pour nuancer, je dois ajouter que le visage de Dieu et les noms propres qui l'accompagnent sont divers. C'est vrai, quelques communautés ou quelques prédicateurs extraient de quelques versets quelques propos déterministes qu'elles veulent imposer aux quelques personnes qui les suivent. D'un texte aussi riche que la Bible, concentré d'expériences diverses et de genres littéraires variés, on peut tirer n'importe quoi. Au passage, entre la théologie de Calvin plus nuancée qu'on ne le dit, mais qui a poussé au bout le concept de la prédestination (une catastrophe théologique, mais pas pire que le mécanisme scientiste), et une pratique dictatoriale à Genève, il y a également des contradictions que les protestants connaissent bien (malheureusement).
L'histoire de la théologie et de la spiritualité est celle d'interprétations multiples pour saisir l'esprit et l'ensemble de ce que la Bible représente et de ce qu'elle a fécondé à grande échelle dans l'histoire. Heureusement que la Bible et que le Dieu biblique ne déterminent rien du tout !

En revanche, c'est vrai qu'il y a une vulgate économiste qui ressemble fort à une religion. Mais elle rappelle plus la fatalité des religions grecques, romaines ou babyloniennes que celle de la Bible.

Par Nicorazon - Publié dans : Et Dieu dans tout cela
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