Jeudi 23 avril 2009 4 23 /04 /2009 20:00
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Ce matin, je décide de me rendre à mon nouveau travail à pied.
À pied, n'exagérons rien : il me faut prendre la voiture jusqu'à Chambéry (20 Kilomètres), zigzaguer dans les bouchons à l'entrée de la ville, garer la voiture (par chance, je connais une petite place réservée handicapé, jamais prise), prendre le train jusqu'à Grenoble (une heure de voyage), descendre à Grenoble-Gières, à côté du campus universitaire. Je découvre le trajet pour la première fois.
Marcher sur l'asphalte, habituellement, me fatigue.
Depuis la gare de Gières jusqu'à mon nouveau boulot, à Meylan, il y a trois kilomètres environ. C'est parti.
  • Tram Grenoble Au début, c'est simple. Je traverse un quartier résidentiel calme, en suivant la ligne toute moderne de tramway. Pas de voiture, un sifflement à peine audible lorsque le tramway me dépasse ou me croise.
  • J'arrive sur le campus universitaire. Fini l'asphalte et le goudron. Ici, pelouses et chemins de terre, pavements et pierres. Grand bonheur et respiration. Je savoure chaque pas. Voici le centre de formation continue où j'ai failli travailler. Puis survient la Faculté des lettres Stendhal : des étudiants circulent en tous sens. Mais surtout, sur les pelouses, des tentes sont plantées, des étudiants jouent de la guitare, d'autres distribuent des tracts ou sirotent à la terrasse d'un café. Ah oui, j'avais oublié : il y a des grèves. Cela m'évoque de bons souvenirs d'autrefois...
Maintenant, c'est le bâtiment austère et assez moderne des mathématiques pures. En France, on distingue les maths pures, celles de l'élite, des maths appliquées, celles des vulgaires. Le philosophe Pierre Thuillier s'était amusé non sans humour de cette particularité franchouillarde dans son ouvrage "les savoirs ventriloques". Deux siècles après la Révolution ! J'avais dirigé un groupe de recherche avec des enseignants et des chercheurs du CNRS sur ce thème.
  • Ah voici la faculté et les instituts de chimie. Souvenirs, souvenirs. Autant j'ai détesté la chimie à l'université, autant je l'ai aimée dans les entreprises où j'ai travaillé... Elf, Péchiney, les colonnes de distillation, les réacteurs et les tuyaux chargés de produits toxiques, les fours fumants et crachant du feu et des coulées brûlantes de phosphore en fusion, bruits métalliques, odeurs inquiétantes. Un monde de mecs, à la fois durs et touchants quand je les avais en formation.

    Ici aux abords de la faculté, les pelouses sont mal entretenues, les bâtiments décrépis ou rouillés, les vitres sales. Un étudiant en blouse blanche passe portant un récipient en bois chargés de tubes à essais. Ambiance triste, voire déprimante. Ainsi va la recherche en France... Bien inquiétant, tout cela.
Suit le bâtiment de la météo. Il me faut rejoindre l'Isère car j'ai repéré sur la carte une passerelle piétonnière. La météo ? Carrément la forêt vierge. Pas de passage visible. L'écosystème n'est pas ici en danger. On a dû intégrer, par défaut, le concept de développement durable, face au dérèglement climatique. Je reviens en arrière, je cherche, ce qui est naturel dans des lieux de recherche. Passerelle de Meylan

Ouf, un pa
ssage à travers les bois et ... surprise ! l'Isère dans toute son agitation torrentielle. Et voici la passerelle. Deux étudiants amoureux enlacés la traversent tranquillement. Je ne veux pas les déranger. Je m'arrête au milieu du pont. Le c Dent de Crolles ourant est violent.
Face à moi, la Dent de Crolles,
 majestueuse
.

Quel étonnement et quelle sensation. Si proche ? J'aime cette montagne. La Dent de Crolles a une grande valeur symbolique dans ma vie : j'en dirai un mot dans un prochain article. Je la contemple. C'est trop beau : pas d'autres ponts, aucune route en vue, des bois et le vacarme de l'Isère. Je suis à deux kilomètres de Grenoble à vol d'oiseau.
  • De l'autre côté de la passerelle, le Parc de "l'île d'amour". Ça ne s'invente pas. Les amoureux ont disparu dans les buissons. Des fleurs, les arbres du printemps aux teintes vertes variées, des chants d'oiseaux sur fond très lointain de bruits de voiture ; des marcheurs qui soufflent et qui rient. Un groupe d'enfants avec leurs deux institutrices, charmantes je dois l'avouer.
  • Je longe l'Isère, tourne à angle droit et je débouche sur une usine d'incinération. De l'autre côté du chemin, un champ de tulipes destiné, d'après une pancarte, à lutter contre le cancer. Je savoure la cocasserie de la situation. Pourquoi pas, après tout !
Malheureusement, il faut traverser la voie rapide à travers un rond-point compliqué :  cacophonie des véhicules, CO2 et gymkana personnel pour trouver le passage piéton.

Enfin ou plutôt déjà, la petite rue de Meylan où se situe mon nouveau lieu de travail. J'ai marché une heure trente, je suis en pleine forme, sans aucun sentiment de fatigue, avec le sentiment d'avoir pleinement vécu.
La réunion de travail qui suit se passera dans la bonne humeur et l'efficacité.

*

Foule gare Saint Lazare Il y a quelques mois, je devais me rendre à une réunion de formation d'ingénieurs à Paris. Un proche me dit : "fastoche, tu débarques à la Gare Saint Lazare et tu traverses le 9ème arrondissement". Cauchemar : trois quart d'heure de marche seulement, fatigue, nervosité, écorchures sous ma prothèse... Presqu'aucun souvenir de la marche, sinon celui de bousculades de passants qui déambulent à toute allure, écarts pour éviter poubelles, échoppes, crottes de chien, vacarme des voitures, cyclistes et rollers sur les trottoirs, agression des couleurs dans les boutiques et des lumières intermittentes et "flashies", asphalte sale et dur.
Suis-je passé à côté d'un bâtiment chargé d'histoire, d'une oeuvre d'art ou d'un parc ? Je n'ai rien vu. L'impression est floue, violente, infernale... mortifère.
Le bâtiment où je travaillerais la journée m'apparaît comme un refuge dans un univers de folie.

La marche, oui. Mais dans un environnement de vie... SVP. Comme disait Alphonse Allais, "on devrait bâtir les villes à la campagne, l'air y est meilleur".
Par Nicorazon - Publié dans : cogito "ego" sum
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