Lundi 1 juin 2009 1 01 /06 /2009 18:45
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Chronique fantastique dans la ville de Liège.


Ceux qui accompagnent les marches de ce blog doivent estimer que je m'amuse à copier, à blasphémer ou parodier médiocrement, les rêveries du promeneur solitaire de l'ami Jean-Jacques. En d'autres termes, des promenades dans des collines, des plaines, des bois, des montagnes, dans un esprit egocentro-romantico-sentimentalo-écolo-ectoplasmique... ce dont Voltaire se moquait, en remerciant Rousseau de lui apprendre à aimer marcher à quatre pattes. Mais non, mais non, il n'y a pas que la campagne et la nature, même celle qui entoure Grenoble. Toute promenade, donc également en ville, cache sous l'apparence banale ses mystères et ses vertiges. Tenez par exemple, cette visite de la ville de Liège, dans la lointaine Belgique là haut dans le Nord, en compagnie de quelques complices. Si les liégeois ne se reconnaissent pas dans cette description, c'est qu'ils sont aveugles...
  • Tout a commencé dans une grande banalité. Il faut trouver à se garer, sortir de la voiture sans se faire écharper par les véhicules qui suivent, sans heurter avec la porte le piéton distrait. Bref, rien de très original. Notre guide, très pédagogue, nous entraîne dans de jolies rues, habillées d'élégantes façades et de beaux bâtiments religieux, administratifs, historiques, malheureusement non ravalées. Obscure clarté qui sort des des pots d'échappement. Pour l'instant, nous cheminons dans une ville qui ressemble à d'autres villes du Nord, de Lille ou Reims à Aix-la-Chapelle ou Bruxelles.
Nous nous engageons dans un dédale de rues piétonnes, plus calmes, plus curieuses et nous débouchons sur la magnifique place Saint Lambert, à l'architecture très Place Saint Lambert après quelques verres de peket équilibrée. Elle semble aménagée en direction d'une animation hors circulation automobile, plus proche de la vie. Comme il avait plu (ce qui arrive très rarement dans ces contrées), l'animation était inexistante. Dommage. Mais on pourrait imaginer ce lieu habité de peintres et dessinateurs, d'artistes divers, de cracheurs de feu, de musiciens et autres saltimbanques oubliés.
  • Nous repartons dans des rues piétonnes et nous nous insérons dans une ruelle étroite qui mène à un surprenant café, la "Maison du Pékèt". Fini de rigoler. L'ombre des ensorceleurs et des envoûteurs descend et recouvre les âmes candides. Le café Pékèt est un lieu étrange, fantastique, composé de centaines, peut-être même de milliers de petites salles obscures, de toutes formes, avec murs de pierre aux teintes grises, roses et sombres, reliées par autant d'escaliers retors et imprévisibles. Les tables de bois lourd (pas de liège ici), les bancs et les sièges ovales, rectangulaires, polygonaux, revèlent des silhouettes énigmatiques que les lumières en contre-jour cachent aux regards curieux. Cela ajoute à la beauté souterraine des lieux une mystification inquiétante qu'Eugène Sue ou Edgar Poe n'auraient pu imaginer. Au détour d'un mur, surgit un puits de plusieurs centaines de mètres de profondeur où, j'imagine, on jette les clients indésirables et les politiciens corrompus (très rares) qu'on recouvre de la boisson locale (voir ci-dessous) qui les dissout peu à peu. couleurs avant et après l'avoir bu...
On s'assied. Les serveuses et serveurs, seules aptes à circuler dans ce labyrinthe, filent silencieusement en portant des Voilà comment le pékèt est servi ! plateaux de verres emplis d'un nectar aux couleurs étranges : le pékèt ! Il s'agit d'un alcool fort qui n'a rien à envier à la Chartreuse ou à la liqueur de Genepi, bien au contraire. On le sert habituellement avec un chalumeau crache-feu, tellement il est ardent et venimeux. Les petits gosiers fragiles peuvent l'avaler, versé normalement dans des verres ordinaires.  Autrefois, on devait utiliser des lance-flammes, des torches à pétrole ou à gaz. Je dois avouer : c'est super bon et n'en ai pas suffisamment profité ! La carte en présente de tous les parfums et de toutes les couleurs.

 Ce lieu incandescent recèle peut-être quelque repaire d'alchimiste ou d'apothicaire fabuleux, en train de manipuler de mystérieuses potions.
  • La promenade reprend : au milieu d'autres, une boutique d'artistes... où des peintres jettent des formes colorées sur du verre ou du plexiglas, avec des commentaires imaginatifs : "Mozart", "piège d'étoiles", etc. Idée à exploiter...
Nous traversons un vaste marché (Marché "de la Batte") dont la rue est si longue, si longue, que, d'après une petite compagne, elle se prolonge jusqu'à Namur à 80 Kilomètres. Si, si ! C'est vrai ! Je n'ai pas eu le temps de vérifier... Nous respirons les émanations de crèpes et de gaufres liégeoises si connues et si appétissantes. Mais abandonner le goût du pékèt et de ses charmes au creux du palais aurait été un crime.
  • Un philosophe grinçant, Marx je crois, parlait de ces rêveries qui se terminent dans une farce. Je transpose : le fantastique finit dans la bouffonnerie. Sur une place de Liège, les élus bien intentionnés (un mois avant les élections) ont installé une "ferme" pour les petits citadins qui ne savent pas que le lait vient de la vache, la laine des moutons, les radis et les carottes de la terre. Ça s'entasse et se bouscule, ça s'escalade les uns sur les autres, ça caresse les ânes et les veaux, ça distribue des tracts, ça s'extasie devant la truie et ses petits gorets si mignons qui finiront en saucissons, en jambons, en pâtés et en escalopes...
À Liège, il est en train de se construire une gare splendide. Vue de l'intérieur, l'architecture a quelque chose de cosmique, plus proche des épicycles et des rotationnels (*) farfelus de Ptolémée que des cercles concentriques de Copernic. Son créateur est l'architecte espagnol Santiago Calatrava Valls qui a bâti la Gare Saint Exupéry à Lyon (d'où je suis parti) et bien d'autres merveilles. La gare de Liège-Guillemins fait rêver de voyages et de lumières. Elle nous change de ces gares tellement fonctionnelles (la Gare du Nord à Paris, par exemple) où l'on se perd, tellement c'est trop bien expliqué.

Allez visiter Liège. C'est une ville merveilleuse et paradoxale. Bon, je vous laisse : je dois envoyer la facture à la municipalité liégeoise pour article publicitaire.

(*) Si un mathématicien est capable de m'expliquer ce qu'est un rotationnel, je lui en serais reconnaissant. J'ai demandé à des agrégés et des universitaires, ils n'ont jamais été foutus de m'expliquer. Mais, pour frimer, ça fait bien dans un texte...
Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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