Planète village

Mardi 18 août 2009 2 18 /08 /2009 11:37

Hannah Arendt à 30 ans Le fait d'avoir décidé d'écrire un blog avec un esprit positif ne signifie pas être béatement optimiste (1). Je fais le choix de l'être avant le non être. Mais aussi le choix et la priorité de l'être sur le devoir-être qui nous entraînerait trop précipitamment vers l'idéologie, l'utopie ou le moralisme. Je dois cela à la fois à mon éducation, ma formation et ma pratique scientifique, et à la découverte de la phénoménologie il y a cinq ans, que j'approfondis petit à petit avec l'aide de Maurice Merleau-Ponty. Je voudrais évoquer, à titre de gravité qui équilibre les articles plus détendus, la belle figure d'Hannah Arendt... et je dédie cet article à mon beau-frère Christophe, pilier du courant écolo belge (et qui m'a confié qu'Arendt a été la référence qui l'a guidé)

  • Hannah Arendt (1906-1975) est phénoménologue. Et elle est juive. Sa vie, exceptionnelle, est marquée par la fréquentation de ce formidable bouillon de culture philosophique qui marqua les années 20 à 30 en Allemagne, pour le meilleur et pour le pire, alors que le cauchemar nazi se profilait à l'horizon : Edmund Husserl, Hans Jonas, Karl Jaspers, Gershom Scholem, Rudolph Bultmann et bien sûr Martin Heidegger (qui fut son amant sulfureux, et, rappelons-le, la référence philosophique du régime nazi, après qu'Arendt ait pris ses distances avec lui)... N'oublions pas non plus son mari Günther Anders, philosophe référent de l'écologie politique, et tant d'autres... Tout ces noms prestigieux flanquent le frisson ! Hannah Arendt a dû fuir le régime nazi, avant de continuer sa vie tumultueuse aux États-Unis où elle rédigera ses plus grands ouvrages. Elle est considérée comme une des références de la philosophie politique.

La phénoménologie essaie de coller au concret et aux faits avant toute médiation hâtive du jugement et de l'abstraction. Je relis actuellement, sous l'angle phénoménologique, ligne à ligne, le dernier tome de la somme magistrale d'Hannah Arendt, "Les origines du totalitarisme". Ce tome, "Le système totalitaire", écrit en 1950-1951, et révisé à plusieurs reprises -je lis la dernière version de 1968-, me donne le vertige à chaque page (2). Prise dans la mouvance de la Shoah, Hannah Arendt est capable de rédiger, avec une froideur et une efficacité sans égal à l'époque, une analyse systématique des deux grands totalitarismes du XXème siècle, celui des nazis et celui des communistes soviétiques. Je devrais plutôt dire celui de Hitler et celui de Staline, tant l'identification des régimes avec leur tyran est totale. Lire ces pages est une nécessité qui rappelle, dans notre époque à la fois hédoniste, aveugle et anxieuse, toute enveloppée d'images (et beaucoup moins d'écoute), que nous ne sommes pas à l'abri de telles abominations, même si l'Europe qui se constitue est un rempart beaucoup plus sûr. Hannah Arendt ne traite pas la Chine de Mao, préférant, dit-elle, laisser l'analyse aux historiens et philosophes du futur quand ils disposeront d'une documentation suffisante.

  • Je suis étonné, alors que la parole des rares rescapés des camps était frappée de mutisme, à quelques exceptions près (3), que cette femme, juive je rappelle, ait pu entreprendre une telle somme dès les années 50. J'exagère un peu bien sûr. Mon enfance (dans les années 60-70), quand on évoquait la Seconde Guerre Mondiale, était marquée par le Débarquement de Normandie, par les exploits des Marines dans le Pacifique, par l'épopée de De Gaulle ou, eh oui, par celle de Rommel dans les sables du désert... et aussi par Hiroshima. La Shoah, mot inconnu à l'époque, n'apparaissait que comme fait divers dans une stratégie plus globale entre "Grands de ce monde". Il a fallu le feuilleton télévisé "Holocauste" des années 70, le film documentaire "Shoah" de Lanzmann, lire des ouvrages de fond, animer des sessions, notamment autour du livre de Jonas "Le concept de Dieu après Auschwitz" et du commentaire de Catherine Chalier, pour mesurer toutes les dimensions de l'horreur et la position centrale de la Shoah dans la compréhension (si l'on peut comprendre !) du nazisme et de la Guerre. J'avais également, mais trop rapidement, feuilleté les livres d'Hannah Arendt dans les années 80.

Hannah Arendt traite également de l'autre totalitarisme, sans complaisance, celui de la Russie soviétique, celui de Staline. Doit-on rappeler l'aveuglement de tant d'intellectuels, notamment en France, sur cette autre monstruosité (4) ? Une alliance entre la mort, le mensonge et la terreur. Une terreur qui augmente au lieu de diminuer quand l'opposition disparaît. Je dois avouer que moi-même, dans les années 70 et 80, j'essayais non de défendre, mais d'excuser le régime communiste en refusant toute analogie avec les nazis, sous prétexte que le communisme s'appuyait sur une philosophie humaniste. J'ai été vacciné de cette illusion par la lecture de Tzvetan Todorov "Mémoire du mal, tentation du bien" (autre ouvrage indispensable à lire), puis d'autres ouvrages de divers horizons. Et la relecture d'Hannah Arendt renforce le vaccin. Les totalitarismes se moquent complètement des éventuels fondements humanistes (Hitler aussi a gardé la Constitution démocratique de Weimar).

  • Thème récurrent de sa réflexion, Hannah Arendt explique que la plupart des hommes (très peu de femmes !), moteurs et acteurs de ces systèmes, sont des gens ordinaires. Et non des fous ou des pervers, comme on a tendance à le faire croire pour mieux s'en distancer (quoiqu'au bout d'un certain temps ! Voir '"Les Bienveillantes" de Jonathan Littell). C'est ce qu'affirmait mon père, quand j'étais jeune. Il y a des pervers partout, cela ne donne pas des Hitler, des Staline, des Göebbels, des Beria ! Idéologie, séduction, haine, mensonge aussi sont de la partie : et cela relève de la responsabilité personnelle et de la conscience éthique. Il est impossible de faire ici un exposé systématique de tous les points traités par la philosophe. Je rappelerais simplement que cela s'est passé en Europe, là où la culture se disait humaniste, là où les sciences et les techniques étaient sensées éclairer la Planète (rappelons que les régimes totalitaires se sont toujours réclamés scientifiques).

Hannah Arendt dans les années 60 Que ce soit une femme qui écrive un tel réquisitoire est loin d'être innocent, même si elle n'est pas la seule (elle fut pratiquement la première). Comme me disait un ami récemment, tout cela est une affaire de mâles et de machos, fiers de leurs bottes, de leurs défilés de chars et d'uniformes, de leurs armes pointues qui éjaculent de la mort. À Heidegger qui affirmait que « l'homme est né pour la mort », Hannah Arendt a répondu : « non, l'homme est né pour la vie ». D'après Wikipedia, sur la dépouille d'Hannah Arendt, Hans Jonas qui fut son ami intime aurait dit, après la prière juive, : « Avec ta mort tu as laissé le monde un peu plus glacé qu'il n'était. » J'espère que non !


PS. Arendt n'a jamais voulu qu'on la nomme philosophe. Toujours sur Wikipédia, j'ai lu cette phrase pas si innocente que j'essaie de méditer à mon tour : « la majeure partie de la philosophie politique depuis Platon s'interpréterait aisément comme une série d'essais en vue de découvrir les fondements théoriques et les moyens pratiques d'une évasion définitive de la politique. » (Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy p.285). Ce point de vue peut se discuter. À mon avis, elle est du même calibre que les plus grands philosophes.

 

(1) Être positif signifie d'une part que je pose les faits devant moi, avant de passer à une réflexion de type négatif (au sens dialectique), critique, apophatique ou symbolique.

(2) Quelques historiens ont critiqué par la suite quelques-unes des thèses, non suffisamment documentées, de l'auteur, mais l'ouvrage reste une référence mondiale. Mais je soupçonne certains d'entre eux de ne pas être suffisamment guéri de l'influence néfaste de ces grands totalitarismes.

(3) On pense à Primo Levi, par exemple.

(4) Edgar Morin évoque souvent les dérives et slaloms d'un certain nombre d'intellectuels français. J'en reparlerai à l'occasion.

Hannah Arendt
Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Lundi 15 juin 2009 1 15 /06 /2009 06:05
Le Grand Colombier (1500 m) est la dernière montagne du sud du Jura (géographiquement parlant, mais pas géologiquement). Elle est à 40 kilomètres au nord de Novalaise, où j'habite.
  • En début de semaine dernière, à la suite d'une chute vertigineuse dans un abîme insondable, chez moi (suis tombé d'une chaise), je n'ai plus pu marcher durant six jours.
Alors samedi après-midi, pour une première sortie, avant un petit concert de piano que je donnais dans un village du Bugey, Marignieu je suis monté au Grand Colombier où je ne m'étais plus rendu depuis plus de quinze ans. Je ne me souvenais pas que le site était aussi beau : le belvédère sur les Alpes (des Dents du Midi -Suisse- jusqu'à la Meije -Écrins : 300 Km), les Lacs d'Aix les Bains et d'Annecy, le Rhône, est un des plus beaux spectacles du coin.
Voici quelques photos pour vos fonds d'écran.
(cliquer sur la photo pour un format 1200x900
Pour ceux que cela intéresse, je les ai dans un meilleur format et une meilleure résolution : je peux leur envoyer)



Le Grand Colombier, vu de Marignieu
 
Le Massif du Mont Blanc, dans les fleurs, depuis le sommet...
 
Vue sur le Lac d'Aix-les-Bains, et le Rhône
 
Ma voiture perdue dans les arbres, à 1700 m
 
Et tout là-bas, loin, loin, loin, La Meije...
 
Encore un peu de bois...
Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Dimanche 7 juin 2009 7 07 /06 /2009 17:44
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la pensée en mouvement

Marcher est une métaphore. La marche symbolise le mouvement philosophique et existentiel de toute personne qui accepte de se laisser interpeller par les événements de la vie et de l'esprit, de la rencontre des hommes et des femmes.
  • J'ai toujours conçu mon propre cheminement philosophique comme une succession de marches et de pauses (ou comme une croisière sur un voilier, entre haute mer et mouillage) . Le temps de la marche est celui de l'exploration de pensées nouvelles, d'écoutes des événements, de rencontres interpellantes. Il s'agit aussi d'une mise en danger permanente, surtout quand, comme moi, on aime flirter avec les précipices, c'est-à-dire côtoyer des penseurs déstabilisants et anxiogènes. La marche est le temps de la liberté.
  • Le temps de la pause est celui des synthèses et du regard sur le trajet parcouru. Il se manifeste à l'occasion d'un article ou d'un livre à écrire, d'une conférence ou d'un cours à donner, d'un séminaire à animer. Parfois, il se dévoile simplement dans le moment, au sens fort du terme, de la contemplation. Le temps de la pause est un temps de bonheur.
Ruines de Capoue Cela ne signifie pas que la marche ne soit pas aussi un temps de bonheur, ni que la pause n'ait pas sa saveur de liberté. Mais d'un côté, dans le risque de la marche, il y a toujours une anxiété en relation avec un péril imprévisible qui se cacherait derrière un arbre ou dans un ravin. Et dans le repos, s'agite parfois une petite appréhension de ne pouvoir repartir et se se laisser envoûter par quelque délice de Capoue.
Liberté et bonheur ne font pas si bon ménage que l'on ne le dit !

*

Je vais donner un exemple, qui n'est en fait pas un exemple puisqu'il engage des convictions personnelles.

Depuis des années, j'appuie une grande partie de ma réflexion sur l'avenir de la Planète sur la pensée de Hans Jonas (*). Pas seulement le Hans Jonas trop connu, et malheureusement trop réduit à son heuristique de la peur. Mais aussi le Hans Jonas d'une philosophie de la vie que je trouve extrêmement percutante et qui est malheureusement moins connue. D'une certaine manière, Jonas a bâti un refuge sur la route de mon cheminement personnel, et je m'y complais peut-être un peu trop, comme un ami me l'a reproché un jour.

Or, il m'a été demandé pour l'an prochain, dans le cadre de mon travail, d'animer un groupe de recherche autour de la pensée d'André Gorz. Autre penseur de l'avenir de la Planète, de tradition à la fois marxiste et existentialiste, qui a su intégrer et dépasser ses maîtres.

Les deux philosophes ont le même fondement : la nature est fragile, les paradigmes de la société occidentale la détruisent. Comment penser demain ? Rien de très original jusque là. Mais avec Gorz, la perspective est très différente : je dois donc quitter le refuge et repartir vers de nouvelles lignes de crêtes.

Un des lieux où Jonas et Gorz bifurquent, c'est sur le point d'appui de la responsabilité.
  • - Jonas met l'accent sur la responsabilité individuelle, que ce soit celle dérivée de l'éducation reçue, celle de nos comportements quotidiens, celles des politiques. Changeons nos attitudes et notre échelle de valeur éthique, et le reste suivra. Pour transformer nos habitudes, on connaît la fameuse injonction de la pensée de Jonas : faire peur, la peur (de l'avenir) nous secouera. Il y a dans ce discours un vieux reste de culpabilisation judéo-chrétienne. Hans Jonas est naturellement plus nuancé car il a développé une phénoménologie de la vie qui donne de l'appui à sa réflexion sur la responsabilité. Mais c'est ce discours sur la peur (et que je ne partage pas) qui reste ancré dans les cercles philosophiques et les milieux informés.
  • - Gorz en revanche porte la responsabilité sur le système et les structures socio-économiques. La crise écologique est avant tout un effet de la crise capitaliste. Il en appelle au citoyen. Il ne met pas en cause les personnes. Sa pensée n'est pas culpabilisante, mais au contraire stimulante. La lucidité avec laquelle il a analysé les mécanismes de la crise présente, mais aussi l'aliénation du travail par rapport aux valeurs, est à la fois virile, forte et d'une humilité que j'ai rarement lue chez un intellectuel (il n'hésite pas à dire qu'il s'est trompé à telle ou telle époque de son itinéraire). Paradoxalement, en raison de l'approche systémique de sa pensée, la réflexion de Gorz est beaucoup plus dynamisante : elle propose un vrai projet de société que je ne ressens pas chez Jonas.
Après avoir lu Jonas, ma première tentation est celle du repli sur soi. Après avoir lu Gorz, j'ai envie de faire la révolution. Chez Jonas, une fois digéré la tentation du repli, la méditation existentielle et ses appels à transformer notre comportement finissent par prendre le dessus. Chez Gorz, une fois l'exaltation révolutionnaire passée, j'ai envie de m'investir dans les voies politiques qu'il propose, au risque de me tromper de temps en temps.

  • Je ne jouerai pas l'un contre l'autre, ce serait une erreur de ma part. Ils sont tous les deux nécessaires. Je ne trouve en effet pas beaucoup de métaphysique chez Gorz, ce que je trouve dommage, alors qu'il y en a une vertigineuse chez Jonas, inspirée d'une discussion à fleurets mouchetés avec la phénoménologie de Heidegger... au point que cette métaphysique est enveloppante et parfois trop lourde. En revanche, il manque chez Jonas une analyse sociale et économique et un projet d'avenir reposant sur du concret, que Gorz, lui, manie avec virtuosité.

Depuis quelques mois, je vis un état de repos, comme un marin allongé dans un hamac sur un voilier, au coeur d'une calanque. Un état de pause, au sens que je donnais au début de cet article...... [début d'une parenthèse "'état d'âme" : cela en raison d'un rééquilibrage affectif et existentiel extrêmement dense : découverte du simple bonheur de vivre la musique de l'instant présent, de me laisser porter par l'harmonie de l'infini et d'écouter les cadeaux de la vie - fin de la parenthèse "état d'âme"]. Si on me parle écologie ou avenir de la planète, j'ai tendance à "jonasifier", maintenant que j'ai bien intégré sa pensée. Le voilier, où je me repose aujourd'hui, doit peut-être s'éloigner des rivages jonasiens pour se rapprocher des rivages gorziens. La synthèse est en effet de nouveau rompue. C'est reparti pour un nouveau voyage.

*

Championnat de France d'aviron 2009 J'écris cet article dans un café au bord du Lac d'Aiguebelette, tandis que je regarde depuis la terrasse les championnats de France d'aviron...
(où j'ai participé et où on m'a remis une jolie médaille d'or, ce matin, pour la course handisport ! (**). Le bateau qui gagne, sur l'image ci-contre est celui du 4 sans barreur féminin de notre club ! Waouh !).

Le bonheur était dans le chocolat chaud que la charmante serveuse a déposé sur la table.
La liberté se retrouvera quand je repartirai.


  • (*) Je ne m'appuie pas que sur Jonas, heureusement. Par derrière, il y a toujours surtout Moltmann, Teilhard, Morin et Whitehead et quelques autres... Jonas a juste l'avantage d'aborder directement les problèmes.
  • (**) Mais il y a eu un petit trucage : faut pas le dire !
Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Lundi 1 juin 2009 1 01 /06 /2009 18:45
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Chronique fantastique dans la ville de Liège.


Ceux qui accompagnent les marches de ce blog doivent estimer que je m'amuse à copier, à blasphémer ou parodier médiocrement, les rêveries du promeneur solitaire de l'ami Jean-Jacques. En d'autres termes, des promenades dans des collines, des plaines, des bois, des montagnes, dans un esprit egocentro-romantico-sentimentalo-écolo-ectoplasmique... ce dont Voltaire se moquait, en remerciant Rousseau de lui apprendre à aimer marcher à quatre pattes. Mais non, mais non, il n'y a pas que la campagne et la nature, même celle qui entoure Grenoble. Toute promenade, donc également en ville, cache sous l'apparence banale ses mystères et ses vertiges. Tenez par exemple, cette visite de la ville de Liège, dans la lointaine Belgique là haut dans le Nord, en compagnie de quelques complices. Si les liégeois ne se reconnaissent pas dans cette description, c'est qu'ils sont aveugles...
  • Tout a commencé dans une grande banalité. Il faut trouver à se garer, sortir de la voiture sans se faire écharper par les véhicules qui suivent, sans heurter avec la porte le piéton distrait. Bref, rien de très original. Notre guide, très pédagogue, nous entraîne dans de jolies rues, habillées d'élégantes façades et de beaux bâtiments religieux, administratifs, historiques, malheureusement non ravalées. Obscure clarté qui sort des des pots d'échappement. Pour l'instant, nous cheminons dans une ville qui ressemble à d'autres villes du Nord, de Lille ou Reims à Aix-la-Chapelle ou Bruxelles.
Nous nous engageons dans un dédale de rues piétonnes, plus calmes, plus curieuses et nous débouchons sur la magnifique place Saint Lambert, à l'architecture très Place Saint Lambert après quelques verres de peket équilibrée. Elle semble aménagée en direction d'une animation hors circulation automobile, plus proche de la vie. Comme il avait plu (ce qui arrive très rarement dans ces contrées), l'animation était inexistante. Dommage. Mais on pourrait imaginer ce lieu habité de peintres et dessinateurs, d'artistes divers, de cracheurs de feu, de musiciens et autres saltimbanques oubliés.
  • Nous repartons dans des rues piétonnes et nous nous insérons dans une ruelle étroite qui mène à un surprenant café, la "Maison du Pékèt". Fini de rigoler. L'ombre des ensorceleurs et des envoûteurs descend et recouvre les âmes candides. Le café Pékèt est un lieu étrange, fantastique, composé de centaines, peut-être même de milliers de petites salles obscures, de toutes formes, avec murs de pierre aux teintes grises, roses et sombres, reliées par autant d'escaliers retors et imprévisibles. Les tables de bois lourd (pas de liège ici), les bancs et les sièges ovales, rectangulaires, polygonaux, revèlent des silhouettes énigmatiques que les lumières en contre-jour cachent aux regards curieux. Cela ajoute à la beauté souterraine des lieux une mystification inquiétante qu'Eugène Sue ou Edgar Poe n'auraient pu imaginer. Au détour d'un mur, surgit un puits de plusieurs centaines de mètres de profondeur où, j'imagine, on jette les clients indésirables et les politiciens corrompus (très rares) qu'on recouvre de la boisson locale (voir ci-dessous) qui les dissout peu à peu. couleurs avant et après l'avoir bu...
On s'assied. Les serveuses et serveurs, seules aptes à circuler dans ce labyrinthe, filent silencieusement en portant des Voilà comment le pékèt est servi ! plateaux de verres emplis d'un nectar aux couleurs étranges : le pékèt ! Il s'agit d'un alcool fort qui n'a rien à envier à la Chartreuse ou à la liqueur de Genepi, bien au contraire. On le sert habituellement avec un chalumeau crache-feu, tellement il est ardent et venimeux. Les petits gosiers fragiles peuvent l'avaler, versé normalement dans des verres ordinaires.  Autrefois, on devait utiliser des lance-flammes, des torches à pétrole ou à gaz. Je dois avouer : c'est super bon et n'en ai pas suffisamment profité ! La carte en présente de tous les parfums et de toutes les couleurs.

 Ce lieu incandescent recèle peut-être quelque repaire d'alchimiste ou d'apothicaire fabuleux, en train de manipuler de mystérieuses potions.
  • La promenade reprend : au milieu d'autres, une boutique d'artistes... où des peintres jettent des formes colorées sur du verre ou du plexiglas, avec des commentaires imaginatifs : "Mozart", "piège d'étoiles", etc. Idée à exploiter...
Nous traversons un vaste marché (Marché "de la Batte") dont la rue est si longue, si longue, que, d'après une petite compagne, elle se prolonge jusqu'à Namur à 80 Kilomètres. Si, si ! C'est vrai ! Je n'ai pas eu le temps de vérifier... Nous respirons les émanations de crèpes et de gaufres liégeoises si connues et si appétissantes. Mais abandonner le goût du pékèt et de ses charmes au creux du palais aurait été un crime.
  • Un philosophe grinçant, Marx je crois, parlait de ces rêveries qui se terminent dans une farce. Je transpose : le fantastique finit dans la bouffonnerie. Sur une place de Liège, les élus bien intentionnés (un mois avant les élections) ont installé une "ferme" pour les petits citadins qui ne savent pas que le lait vient de la vache, la laine des moutons, les radis et les carottes de la terre. Ça s'entasse et se bouscule, ça s'escalade les uns sur les autres, ça caresse les ânes et les veaux, ça distribue des tracts, ça s'extasie devant la truie et ses petits gorets si mignons qui finiront en saucissons, en jambons, en pâtés et en escalopes...
À Liège, il est en train de se construire une gare splendide. Vue de l'intérieur, l'architecture a quelque chose de cosmique, plus proche des épicycles et des rotationnels (*) farfelus de Ptolémée que des cercles concentriques de Copernic. Son créateur est l'architecte espagnol Santiago Calatrava Valls qui a bâti la Gare Saint Exupéry à Lyon (d'où je suis parti) et bien d'autres merveilles. La gare de Liège-Guillemins fait rêver de voyages et de lumières. Elle nous change de ces gares tellement fonctionnelles (la Gare du Nord à Paris, par exemple) où l'on se perd, tellement c'est trop bien expliqué.

Allez visiter Liège. C'est une ville merveilleuse et paradoxale. Bon, je vous laisse : je dois envoyer la facture à la municipalité liégeoise pour article publicitaire.

(*) Si un mathématicien est capable de m'expliquer ce qu'est un rotationnel, je lui en serais reconnaissant. J'ai demandé à des agrégés et des universitaires, ils n'ont jamais été foutus de m'expliquer. Mais, pour frimer, ça fait bien dans un texte...
Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Dimanche 31 mai 2009 7 31 /05 /2009 20:21
C'est l'époque de l'année où le Lac d'Aiguebelette est le plus beau.
(à 3 Km en dessous de chez nous)
Voici quelques photos pour vos fonds d'écran.
La fameuse couleur "émeraude" du Lac est difficile à reproduire avec l'appareil photo d'un téléphone portable.
Cliquez sur l'image pour l'avoir en grand


 
 

RECTIFICATIF : pour élargir le tableau, voici le Lac d'Allos, envoyé par mon ami (ex-flamand et néo-savoyard) Ghislain qui n'a sans doute pas connu de lac d'une telle couleur à Ostende ou Antwerpen !
Par flemme, je n'ai pas cherché où se trouvait le Lac d'Allos. Pas loin d'ici certainement !
Bref, la Planète n'a pas fini de nous étonner... avant qu'on la bousille complètement !

Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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