Identité

" Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions " (Confucius)
Vendredi 19 décembre 2008 5 19 /12 /2008 21:01
Entre les âges de 17 À 20 ans, alors que j'étais gravement malade, passé des années en hôpital, en maison de convalescence et de rééducation, j'ai rencontré la pensée de Teilhard de Chardin. Ce fut l'illumination : un penseur résolument optimiste, dont l'échelle de vue est celle des millénaires, voire des millions d'années, d'une générosité telle qu'il affirmait que "tout ce qui monte converge"... Religieux jésuite et paléontologue, il voyait religion, sciences, philosophie et activités et même passivités et souffrances humaines, tendre et aboutir en Oméga, lieu de récapitulation de toutes choses en Dieu.
Teilhard, de son vivant, n'a jamais pu faire éditer son oeuvre personnelle en raison de la censure romaine, devant. se contenter des publications scientifiques. Il fut un des plus grands explorateurs de la géologie et de la paléontologie asiatique, un grand aventurier avec des amitiés exceptionnelles.
J'ai lu presque toute son oeuvre, tout n'étant pas publié à l'époque.

Teilhard a incontestablement été l'inspirateur de ce qui m'a conduit, après mes études de physique, à étudier la philosophie et la théologie chrétienne. Cet approfondissement m'a permis de prendre une distance critique, et surtout de mettre en valeur les extraordinaires pertinences de son oeuvre aujourd'hui.

Malheureusement, sa pensée a été à la fois travestie et confisquée : travestie par des personnes qui, trop pressées et oublieuses du contexte et de la culture du célèbre jésuite, en ont fait une scolastique (Hors de Teilhard, point de salut). Confisquée, puisque ses oeuvres sont sous copyright, consciencieusement surveillées par "ceux qui ont eu la chance de rencontrer l'homme qu'a vu l'homme qu'a vu l'ours".
Depuis l'année 1983, j'ai animé de très nombreuses sessions, conférences et j'ai même donné un cours en université sur Teilhard de Chardin. En 2000, j'ai écrit un livre sur l'épistémologie teilhardienne (sa philosophie des sciences), que je trouvais assez percutante. Refusé par les éditeurs, notamment Le Seuil qui a l'exclusivité des publications de l'oeuvre de Teilhard, j'ai créé un CDROM sur sa pensée, avec l'accord et le soutien des meilleurs représentants de la Fondation Teilhard, située au Musée de l'homme à Paris. Le CDROM était une introduction destinée à ouvrir à l'ensemble de son oeuvre.

Surprise : j'ai reçu ces jours-ci des lettres de menace des Éditions du Seuil, sous prétexte que j'avais violé le copyright. C'est vrai d'un certain point de vue, mais j'avais l'accord de la Fondation. Le CDROM doit donc disparaître de tous les points de vente (heureusement il n'y en a plus, puisque je suis maintenant le seul à le diffuser), j'ai l'interdiction de le diffuser et même de le donner à titre privé, sous peine de poursuites. La censure qui s'exerçait autrefois sur Teilhard se retourne maintenant sur ceux qui le connaissent et qui l'ont aimé.
Je ne suis pas sûr que Teilhard apprécierait... Mais, ajouterai-je avec une grande amertume, cela fait déjà un moment qu'il a été trahi !

Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Mardi 16 décembre 2008 2 16 /12 /2008 12:00
Petite balade à Lyon.
Je me rends dans une boutique de musique sur la Place Bellecour (sur laquelle, au passage on vient de couper tous les arbres : qu'elle est belle, la Place Bellecour sans arbres et avec un peu plus de béton : mmmh !). Zut, le magasin de musique est fermé.
Retour errante. Traiteur : foie gras, pâtisseries colorées, Pères Noël en pagaille... Restaurant : décos kitches et flashes, menus dégoulinants... Mendiants et vendeurs de pétitions... Boutiques de vêtements de luxe, remplie de clients... Ah tiens, la librairie religieuse ? Cela faisait longtemps. J'entre.
Public : des personnes âgées, des religieux, des membres du clergé. Pas de jeunes...
Offres : des tas de bouquins de piété et de spiritualité. Je demande des ouvrages de théologie un peu plus sérieux : il y en a quelques-uns, mais pas ceux que je cherche... qui sont épuisés.
Je m'arrête sur une collection de travaux d'exégètes : ceux qui sont écrits dans les années 70 (et qui m'intéressaient) n'ont pas été réactualisés. "Plus d'écrivains", me dit une des conseillères de la librairie.
Blues en sortant.
Les religions qui se développent à toute vitesse dans le Monde actuel : l'islamisme fondamentaliste, les églises évangélistes, les spiritualités touffuses, mélanges de new age et de pratiques fourre tout extrême-orientales.
Bref : des religions incultes face aux splendeurs de la consommation.

Heureusement qu'il y a eu les Semaines Sociales il y a trois semaines !

Lecteur, oublie bien vite cet article !!!
Par Nicorazon
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Samedi 6 décembre 2008 6 06 /12 /2008 10:53
Lou Salomé et Nietzsche Ces jours-ci, avec quelques amis, nous préparons une soirée sur Lou Salomé. La relation entre la belle russe et Nietzsche me passionne, d'autant plus que j'ai toujours beaucoup aimé le philosophe prussien. Ses attaques contre le christianisme ont quelque chose de revigorant. Dans mes moments de doute, ce sont bien des arguments nietzschéens plus que d'autres qui m'habitent. Sa vision des théologiens incapables de lire des faits sans aussitôt les interpréter dans le sens de leur croyances était pertinente en son temps. N'oublions pas que Nietzsche a fait des études de théologie, avant de se retourner contre l'église, les pasteurs, les clergés et Dieu lui-même. Il savait de quoi il parlait.

En revanche, les prétendus défenseurs du philosophe allemand font parfois preuve d'une inculture et d'une inconséquence qui donnent presque envie de rire, à défaut d'en pleurer devant le quatrième infini, la bêtise humaine (1). Voici ce que je lis dans un ouvrage qui prétend que Nietzsche a été rendu fou par l'église  : "Depuis Pythagore, en passant par Maître Eckart, Galilée, Voltaire, Hölderlin, Goethe et bien d'autres, l'Eglise n'a jamais été capable de réfuter ses contradicteurs. Pendant six siècles le bûcher fut un argument efficace, mais après 1700 il devint difficile de l'utiliser. Entrèrent alors en scène la calomnie, la défiguration ridicule des théories contraires à la foi, mais aussi l'assassinat subtil, le poison." Trop drôle : Pythagore face à l'église ! Sans doute, Pythagore (569-494 AVJC) avait déjà inventé la machine à voyager dans le temps ! Mal parti ! Maître Eckart ? Il est reconnu par l'église catholique comme un des plus grands maîtres de la mystique. Galilée ? Il était bien plus chrétien que vous et moi et tout au long de ses écrits, il n'a cessé de défendre le point de vue de Dieu face à ses détracteurs. En ce qui concerne Voltaire (qui malgré ses déboires avec le clergé est resté déiste et presque croyant), Hölderlin (maître en théologie) ou Goethe, c'est un peu plus compliqué et certainement plus nuancé que ce qui est ici affirmé...
Bien sûr, les bûchers (et les séances de torture qui les accompagnaient) sont impardonnables. Dans ces bûchers, il y eut Giordano Bruno, mais aussi Jeanne d'Arc, sainte, ou Jacques de Molay, grand chrétien si je me souviens bien. Quant au poison et aux assassinats subtils, j'ai le sentiment que l'auteur de ces lignes ne connaît de l'église que le "Da Vinci Code" ! Calomnies et défigurations des théories, c'est vrai et cela existe encore aujourd'hui. Je me rappelle l'affaire Pellecer, jésuite théologien au Guatemala, ou Oscar Romero, archevêque de San Salvador, calomniés par des cathos intégristes auprès du Vatican. Et combien d'autres ! Mais qui étaient les authentiques disciples du Christ dans l'affaire !
"Incapable de réfuter ses contradicteurs" ? Là encore l'inculture est grande. Pourquoi la théologie chrétienne, où qu'elle soit, triomphe-t-elle en de nombreux débats dans l'histoire, depuis Origène et Irénée jusqu'à Rahner ou Bonhoeffer ? Parce que ses arguments sont convaincants, tout simplement.
L'auteur des âneries écrites ci-dessus devrait se renseigner un peu sur l'histoire des églises (et des religions en général) et sur les formidables découvertes et progrès accomplis au cours du vingtième siècle par les exégètes, historiens, philologues, archéologues et théologiens... tandis qu'à la même époque, les nazis exterminaient les juifs, le gouvernement laïc turc assassinait les orthodoxes arméniens, les staliniens massacraient et déportaient les chrétiens russes, les gardes rouges de Mao détruisaient la culture chinoise... Et à combien de désespérances et de suicides l'hédonisme commercial européen mène-t-il ?... Les catholiques y ont échappé pour l'instant, mais à voir l'extension du bêtisier anti judéo-chrétien et assez typiquement français, on n'est pas forcément rassuré. Qu'on s'étonne de voir la remontée des fondamentalismes ! ce qui est loin de me réjouir non plus, croyez-moi. La vraie promesse d'aujourd'hui, c'est le dialogue entre les religions qui seules, sont capables de réguler les excès.

Pour terminer avec Nietzsche, il suffit de lire les excellentes pages que Hans Urs von Balthasar, théologien suisse allemand de grande culture, lui a consacré. C'est lui qui a animé ma curiosité envers le philosophe allemand et qui me l'a fait aimer. Et à ce qui me semble, la "folie" de Nietzsche était simplement due à un problème de vascularisation du cerveau ! Non ?  La culture contre l'inculture.

(1) C'est quoi, les autres infinis ?
Par Nicorazon - Publié dans : Et Dieu dans tout cela
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Lundi 24 novembre 2008 1 24 /11 /2008 13:20

Cette année 2008, le thème des Semaines Sociales de France, porte parole des chrétiens sociaux depuis plus d'un siècle, portait sur "les religions, menace ou espoir pour la société". Parmi les invités, outre la plupart des représentants religieux de la Région (Cardinal, Recteur de la Mosquée de Lyon, Grand Rabbin de Lyon, un archevêque arménien et des représentants des diverses coimmunautés protestantes), sont intervenus Elisabeth Guigou, Jacques Barrot, Michel Camdessus, Danièle Hervieu-Léger et bien d'autres personnalités.

Je ne vais pas parler du contenu, à la fois riche et en gestation, mais de l'ambiance.

Un formidable climat d'amitié, de réflexion, d'impertinence aussi, de partage et de vie spirituelle. Le rabbin et l'imam riaient ensemble, le Cardinal de Lyon Barbarin et le socialiste laïc et président de la Région Rhône-Alpes Jean-Jack Queyranne se taquinaient avec humour, le jésuite Valadier et le théologien musulman Chérif débattaient avec décontraction, Elisabeth Guigou à la limite des larmes nous confiait le bonheur qu'elle avait de se trouver parmi nous après des journées plutôt dures (on sait pourquoi !), etc. Ici, un jeune soufi explique la vie du corps dans la prière, là un diacre pendant l'eucharistie parvient à faire mimer l'évangile du jour à 3000 participants.

Mais plus encore, c'est dans les couloirs, à la caféteria et dans les vastes salles communes que cette vie d'amitié, de bonne humeur et de partage se faisaient sentir. On pouvait croiser les personnalités sans les déranger (j'ai pu bavarder un moment avec Michel Camdessus et participer à une conversation avec Elisabeth Guigou et avec le Cardinal Barbarin), mais aussi avec tous les participants : j'ai eu une conversation passionnante avec un responsable musulman qui me montrait les richesses de la spiritualité et de l'esprit critique de l'Islam... que je soupçonnais mais sans les rencontrer.

Mais le plus beau moment, qui m'a fait pleurer d'émotion est celui que je présente sur la photo ci-contre : Huit représentants des religions monothéistes debout en train de lire à tour de rôle un engagement de leur communauté ou religion à servir le monde et les hommes d'aujourd'hui et de demain. Tout cela sur fond musical (ça manquait de femmes à cet instant précis, mais il y en a une qui joue du violon derrière !!!). L'ombre de la crise financière et économique, et des crises énergétiques (avec leur lot de misères à venir) planait... Mais l'espérance était plus forte.

Plus les années passent, plus je pense que l'oecuménisme et le dialogue des religions sont parmi les phénomènes les plus marquants de notre temps. Même si cela se fait en silence ! (le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien)

Ce n'est sûrement pas là que les religions sont une menace !

Par Nicorazon - Publié dans : Et Dieu dans tout cela
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Mardi 18 novembre 2008 2 18 /11 /2008 07:25
À l'heure de l'élection d'Obama, je me réjouis de découvrir que les américains pensent ! Eh oui ! Mais en même temps, j'ai pris un coup de vieux, de vieil européen... Illustration.

Depuis plus de vingt ans, je fréquente la pensée d'Alfred North Whitehead : je l'ai découverte grâce à Isabelle Stengers, puis d'autres auteurs moins connus comme Alix Parmentier et Jean-Marie Breuvard.
Anglais d'origine, puis américain d'adoption, mathématicien de génie, il a écrit avec son élève Bertrand Russell une somme monumentale "Principia mathematica" qui, bien que datée, reste une référence pour les historiens des sciences.
Whitehead s'est plongé ensuite dans la physique, la cosmologie pour finir dans la philosophie et la théologie. Il est à l'origine de la "Process Philosophy", pensée essentiellement dynamique dont tous les concepts sont travaillés avec rigueur. Son ouvrage "Process and Reality" est un monument peu égalé dans la philosophie du Vingtième Siècle. Aux USA, il est suffisamment connu pour que sa philosophie serve de référence dans l'enseignement, au même titre que Platon, Descartes, Kant ou Hegel.

En France, il est superbement ignoré dans la plupart des milieux intellectuels et culturels, malgré quelques timides tentatives de le sortir du brouillard. Pourquoi cela ?
- D'abord un préjugé : les anglos-saxons ne pensent pas, ce ne sont que des actifs et des déconstructeurs de la pensée. Il n'y a pas de pensée aux USA !
- Ensuite un a priori : Whitehead est chrétien méthodiste, et à la fin de sa vie, ses oeuvres majeures intègrent systématiquement la question de Dieu à l'intérieur de la pensée philosophique. En France, on ne peut pas être croyant et intelligent en même temps, ni être religieux et scientifique.
- Enfin, la philosophie française est à la remorque de la pensée allemande et se situe par rapport à elle, soit en l'intégrant, soit en s'y opposant... Il y traîne peut-être même une légère culpabilité.

Je ne vais pas me risquer à développer ici la pensée de Whitehead : disons simplement que, fort de ses connaissances scientifiques, il tente de réconcilier la philosophie avec les sciences, et plus largement la culture et la raison avec la pensée naturelle... grosse hérésie dans le gotha intellectuel parisien.

Whitehead est aussi l'initiateur de la "Process theology", ignorée dans les milieux européens, notamment catholiques. Je m'y suis remis récemment avec un immense bonheur. À ma grande surprise, beaucoup de développements des auteurs de la Process Theology (John Cobb par exemple ou Paul Tillich -quoique la pensée de Tillich déborde la Process Theology-) correspondent à mes propres intuitions (à quelques réserves près).
Le théologien protestant de Montpellier André Gounelle est un des meilleurs (et rares) représentants de la process theology en France. Il fait remarquer que les États-Unis n'ont pas été par hasard la plus grande puissance du monde. Il y a dans ses universités et autres lieux de réflexion un bouillonnement intellectuel bien plus agité et créatif que dans nos milieux européens. La Process Philosophy et la Process Theology en sont quelques éclats, et il en existe bien d'autres...

Par Nicorazon - Publié dans : Et Dieu dans tout cela - Communauté : Théologie et écologie
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