Identité

" Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions " (Confucius)
Dimanche 24 mai 2009 7 24 /05 /2009 05:30
Il n'est pas un jour où un article, dans une revue scientifique, ou une émission, de préférence sur France Culture, n'évoque l'illusion de la liberté en raison des conditionnements de notre nature ou de l'environnement social. Sans prétendre résoudre un problème vieux comme la pensée, je voudrais remettre quelques idées en place.
  • Il y a quatre approches possibles de la question de la liberté : une approche matérialiste, une approche existentielle (celle de Sartre ou de Merleau-Ponty), une approche juridique et politique (songer à Hannah Arendt et son impitoyable défense de la liberté) une approche spiritualiste (celle de Bergson ou de Jankelevitch, par exemple). Ces trois dernières approches ne concernent pas l'article présent. Je voudrais démontrer que l'approche matérialiste qui nie l'existence d'une liberté en soi s'égare. Je sais, c'est un challenge difficile à surmonter et il est plus simple, mais quelque peu lâche, d'aller se réfugier dans les perspectives alternatives.
L'approche matérialiste se fourvoie toujours de la même manière, par excès d'abstraction (c'est-à-dire de séparation et de généralisation).

Dernier numéro de la Recherche Depuis plus de vingt ans, je suis abonné à la revue "La Recherche". C'est une revue scientifique magnifique dans laquelle je me délecte. Elle révèle les formidables mécanismes qui habitent le cosmos, les mouvements célestes, les mystères de la matière et des molécules, les processus vivants, biologiques, physiologiques, génétiques ou écologiques, le fonctionnement du cerveau, les structures de la psychologie ou de la sociologie. Sans oublier des jeux mathématiques. Le traitement des articles est scientifique, c'est-à-dire qu'il cherche les lois et les causes matérielles de tel ou tel phénomène, de telle ou telle structure, de tel ou tel événement,sans se préoccuper de finalité globale. Les méthodes et les déterminants sont toujours les mêmes : le dialogue expérimental. On pose des hypothèses, on les vérifie par l'expérience, et on extrait des conclusions les plus larges et les plus précises possibles. Puis on recommence.

Il y a plusieurs manières de lire une telle revue : par addition ou par croisement.
  • Si j'additionne chaque article indépendamment l'un de l'autre, je découvre que mon être corporel, psychologique ou social, est complètement déterminé par ses structures ou son fonctionnement. Bien sûr, je me déplace, tiens debout, tourne la tête, articule et commande mes doigts en fonction de lois de la gravitation, de la mécanique ou du flux 'électrique transmis par le réseau nerveux. Mon émotivité ou ma tendance impatiente sont dues à tel gène, telle hérédité, telle série d'événements de la petite enfance, telle éducation. Le développement de telle maladie est dû à un terrain immunitaire favorable ou défavorable. L'attirance pour telle ou telle femme est lié à un environnement particulier ou un archétype profond. Si je pense de cette manière-ci ou là, c'est en raison des possibilités, mais aussi des limites, de la langue française. Pire encore, l'attrait que j'éprouve pour la philosophie ou la spiritualité vient d'une configuration particulière du cerveau. Lus ainsi à la queue leu leu, ces articles finissent par persuader que la liberté, enfermée dans tous ces déterminismes, est inexistante et que chaque sentiment, décision, acte est conditionné par le corps, la nature ou "l'imprinting socio-culturel".

En réalité, on oublie que chaque article scientifique est le résultat, en amont, d'un travail d'abstraction. Il a fallu définir les présupposés de concepts, de méthode et de partage disciplinaire pour conjecturer, modéliser, expérimenter, réfuter. Il y a même parfois des préjugés, comme l'idée selon laquelle nous sommes déterminés par nos gènes ou par notre cerveau, attitude pas très différente de celle qui au XVIIIème siècle pensait que l'on était déterminé par les mécanismes de la m
Rasoir d'Occam vu par Georges Bush atière. Sans oublier que l'histoire des sciences est celle de combats avec des vainqueurs et des vaincus, et donc élimination, souvent au profit du plus "simple", selon la bonne vieille méthode du rasoir d'Occam (*), comme l'ont analysé avec pertinence et humour Thomas Kuhn ou Paul Feyerabend. Bon admettons : excusez-moi de cette incise, j'ai dit que je désirais rester dans un cadre matérialiste.

  • Une méthode réaliste et plus proche du concret de lire les articles de la Recherche consiste à croiser entre eux les multiples déterminismes révélés par les disciplines distinctes. D'une part, chaque théorie un peu complexe possède en soi, depuis la démonstration de Gödel, sa part d'indétermination. D'autre part, chaque système énergétique ou physique (a fortiori biologique ou psychologique) s'intègre dans une zône d'incertitude.
    De plus, et c'est là la clé, la rencontre de deux séries déterministes indépendantes, a démontré le mathématicien Cournot, donne naissance au hasard. Plus vous croisez de telles séries, plus l'espace indéterminé s'élargit, s'intensifie, se diversifie et se complexifie. Pour un être organique et cérébral aussi complexe que l'être humain, cet espace de croisements est d'une telle richesse qu'il est absolument impossible de le circonscrire. C'est ici que surgissent la conscience (comme unité organique qui recouvre les déterminismes) et surtout l'étendue de la liberté. Elle se situe dans l'aire des croisements innombrables de ses structures, de ses fonctions, de son environnement psychique, social et culturel. Il faut dépasser l'idée première selon laquelle la liberté est d'abord une indépendance : c'est nécessaire, mais insuffisant.

J'irai plus loin : toujours sous l'angle matérialiste, plus il y a de déterminismes dans l'être humain, plus il est libre. Le savoir et l'expérience, autant que les conditionnements biologiques et culturels, sont donc des atouts pour la liberté, à condition bien sûr de ne pas être nos maîtres. C'est ce qu'avait remarquablement vu Whitehead (oui, encore lui !) dans "Process and Reality" en expliquant que seuls les êtres complexes sont capables d'évoluer, de créer, de se diversifier, de goûter l'imperceptible. Le feeling, le sentiment, l'intuition sont des subtilités des êtres évolués et non, comme le croyaient les anciens, des formes subalternes de l'esprit rationnel.
  • J'espère avoir convaincu le lecteur : il n'a aucune raison de ne pas croire en la liberté, en ses intuitions et en sa créativité, et il peut maintenant s'ouvrir les autres champs, celui de l'existence, de l'esprit, du droit et du politique.

Ce matin, depuis 5 heures, les oiseaux font un tintamarre incroyable dans le sous bois derrière la maison. Si je les écoute un à un, je m'émerveille de chaque mélodie indépendante... quoiqu'au bout d'un certain temps, elles soient un peu monotones. Mais si je les croise entre elles, l'espace harmonique, symphonique même, est d'une richesse créative qui touche non plus seulement l'intelligence, mais le coeur. c.q.f.d.


Cliquer sur la vidéo pour écouter les oiseaux... La photo est celle du fond du jardin


 
  • (*) Principe du rasoir de Guillaume d'Occam : « pluralitas non est ponenda sine necessitate » : Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité »
Par Nicorazon - Publié dans : Penser autrement
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Jeudi 7 mai 2009 4 07 /05 /2009 12:49
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 Expérience très étonnante, j'ai un souvenir extrêmement aigu des parcours de marche dans le désert. Je précise bien "des parcours de marche", pas de ceux où je cheminais à dos de dromadaire. C'est tout juste si, en exagérant à peine, chaque pierre, chaque buisson, chaque petite déviation le long d'une dune, chaque fleur s'étaient imprimé(e)s dans la mémoire. Et aussi chaque mouvement du corps, également, un pas plus long, un déséquilibre plus accentué, une douleur qui s'éveille ou une aspiration qui s'engouffre dans le vide intérieur... J'étais attentif à chaque instant et à chaque lieu que la sensibilité touchait ou éprouvait, l'esprit complètement présent au corps vivant, sans évanescence, sans scénario intime, vide de bavardages, empli de la présence des choses, de la nature, de mes compagnes et compagnons de marche... sans mots, sans images. Une simple sensation de vie totale.

  • Avec le recul sur mes souvenirs divers, je me rends compte que chaque expérience de promenade délibérée, pour laquelle la seule finalité est de marcher, est habitée de cette même sensation de vie et d'unité de l'esprit et des sens. J'ai évoqué les promenades en montagne, par exemple vers la Dent de Crolles (que j'évoquais dans l'article précédent et sur laquelle je reviendrais) ou vers d'autres montagnes de Chartreuse, de l'Ariège, des Hautes Pyrénées ou des Belledonne. Les souvenirs sont vifs.
  • Mais pas autant que dans l'errance du désert, car dans une marche en montagne, l'intention de parvenir au sommet parasite le plaisir de l'instant présent.

Lorsque nous circulons en voiture, l'esprit est absorbé par tout autre chose que la route qui défile sous les roues. Il songe au rendez-vous qu'on a pris, ou à la jauge d'essence qui baisse. Il reçoit de multiples informations impossibles à collecter en raison de la vitesse, il est distrait par les panneaux publicitaires et en alerte devant les panneaux routiers, il surveille le comportement des autres conducteurs. Et si la radio est allumée, il voyage aux États-Unis, au Sri Lanka, à la Bourse de Paris, dans le stade du Barça, dans le dernier ouvrage de Régis Debray. Pire encore, le téléphone. Retour vers les soucis du quotidien, du travail, des enfants ou des parents...
Les sens eux-mêmes trahissent leur fonction puisqu'ils sont amplifiés par la technique : une petite pression sur le champignon et me voilà me déplaçant à cent kilomètres à l'heure, un léger mouvement du bras et  la voiture d'une tonne ou deux vire élégamment. C'est admirable, je ne dis pas le contraire. Mais quelque part, l'esprit est trompé, voire aliéné, détaché de la vie des sens et du corps. Aristote l'avait déjà remarqué (bien avant l'apparition de la mécanique). Et ainsi, je puis franchir mille kilomètres, en longeant des forêts, des rivières, en suivant des vallées et des collines, en traversant des cités diverses... et en oubliant complètement l'espace parcouru et la durée du parcours.
Faites l'expérience ! En dehors de quelques images remarquables parce que surprenantes, il ne reste pas grand chose.

*

Soyons quand même plus circonspect. Il y a deux manières de se représenter vivre l'instant présent en se déplaçant. Prenons une analogie, celle du vélo (PS. pour les sceptiques : oui, oui, malgré une jambe en moins, je fais du vélo, et j'ai même grimpé tous les cols du coin).
  •   Une première manière, aliénante, consiste à poser la tête sur le guidon et s'auto regarder pédaler, tandis que la pensée s'agite en rond au coeur des exigences de l'entourage : faire le gros dos face à mon chef qui me presse, ou face à la mauvaise humeur de mon conjoint ou de mes enfants, comment je vais payer la facture du plombier, zut ce soir j'ai une réunion dans une association qui me pompe... Quand je vais rentrer à la maison, je me fous le cul sur le divan et les pieds sur une chaise et je regarde le "petit journal" de Canal Plus. Demain, je m'en fous, et hier c'est passé et au diable les conséquences.
Dans cette première attitude, contrairement aux apparences, je ne suis pas moi-même, je vis en fonction des déterminismes imposés par la contrainte sociale ou les contraintes que je m'impose. Je suis à côté de mon corps et de mes sens, simples instruments au service du mouvement ou pire encore, objets et instruments pesants. Aliénation, donc.

  •   Une seconde manière, unifiante, est l'attitude où on ne se regarde pas pédaler, hypnotique, mais où on goûte l'altérité du monde et des sens, le contact du sol avec le cycle et la sensation du mouvement des jambes qui permettent la progression. Je savoure l'instant présent, la danse présente du corps, l'espace présent, qu'ils soient fluides ou qu'ils imposent leur énergie (dans une montée par exemple). Je ressens l'air qui circule dans la trachée et qui tourbillonne dans les poumons, sans demander l'autorisation de la volonté, le coeur qui s'accélère, le vent qui caresse le visage. Les sensations vident l'esprit de ses tourments, tandis que je prends conscience d'être un corps et une sensibilité en contact avec l'être du monde... et non pas d'avoir un corps et une sensibilité centrés sur soi.
ET téléphone pas maison Il s'agit bien sûr d'une métaphore catégorique. Toute expérience se situe dans l'espace coloré entre ces deux manières de goûter l'instant et l'immédiat.

Ce qui est plus facile à expliquer par l'analogie du vélo l'est a f
ortiori de la marche. Ne croyons pas que cette attitude détourne du temps qui passe et de l'avenir. Avec justesse, Gandhi -et bien d'autres avant, autour et après lui-, disait que pour construire l'avenir et transformer la Planète, il fallait d'abord se changer soi-même et bâtir sa propre unité. La vie devient joie et émotion, lumière, parfois souffrance, et fait exploser par fusion nos vieux dualismes corps-esprit, sujet-objet, action-passion...

Permettez cette confidence : lors du voyage dans les dunes de Zagora, j'ai éprouvé le sentiment de transformer le monde et de bâtir l'avenir. Non seulement d'en être capable, j'insiste, mais réellement de créer un monde nouveau.
Par Nicorazon - Publié dans : cogito "ego" sum
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Lundi 4 mai 2009 1 04 /05 /2009 18:30
Hans Jonas (heuristique de la peur), Jean-Pierre Dupuy (catastrophisme éclairé), René Girard (violence démasquée), Gunther Anders, Edgar Morin lui-même, Al Gore et son film "une vérité qui dérange", et bien d'autres annoncent l'apocalypse qui se prépare... et qui s'amplifie dans les remous de la crise actuelle. Le théologien allemand Jurgen Moltmann, auteur d'un magnifique traité écologique de la création, aussi, quoique lui ancre une espérance dans la création et dans l'homme créé à l'image de Dieu (dont il nettoie les aberrantes images qui se sont construites dans l'histoire). On retrouve les mêmes tendances du côté des scientifiques (les rapports du GIEC notamment), des économistes (le rapport de Nicholas Stern remis à Tony Blair qui dresse le tableau effrayant du coût des perturbations climatiques et de l'épuisement des énergies fossiles), des politiques (depuis notre cher ministre Michel Barnier -dans son "atlas des risques majeurs" qui me sert souvent- à l'inquiétante Deep Ecology)... Tous ces auteurs, je les ai lus (ou presque), parfois travaillés, aimés chacun à leur manière. Mais ils paraissent d'une certaine manière aux yeux des médias et des populations comme des prophètes de malheur (je dois préciser qu'ils sont souvent plus nuancés qu'on ne le dit), ce qui dessert la pertinence de leur message.

La Savoie vue par Cézanne Il y a un mois environ, je participais à une assemblée de chefs d'entreprise. Est intervenu Hugues Minguet,  moine bénédictin du monastère de Ganagobie en Provence et ancien cadre dirigeant, célèbre pour son best seller "l'éthique ou le chaos".
  • J'avoue que lorsque j'avais lu son ouvrage, il ne m'avait pas follement emballé. Mais le personnage est excitant et je désirais le voir par curiosité.
Face à nous, apparaît donc un homme radieux, au corps bien planté, au visage ouvert et moqueur, s'exprimant dans une alchimie qui mêle bonne humeur, humour, exigence intellectuelle et rigueur morale. Il a peu évoqué les perturbations climatiques et l'épuisement des ressources énergétiques ou de la crise du rapport de l'homme à son environnement et sa structure naturelle, mais il a parlé de la crise au sens large.

Je voudrais relater un de ses propos significatifs auquel j'adhère autant par la raison que par le coeur, bien que si j'avais dû me prononcer, je le complèterais et l'ordonnerais différemment. Derrière la crise financière et économique, se cachent en cascade ou en dominos, une crise de la parole, puis une crise de l'éthique, enfin une crise spirituelle. La crise dite "écologique" est immanente à toutes ces strates.
  • - Derrière "crise de la parole", c'est-à-dire "ce que je dis du sens", selon son expression, Hugues Minguet mentionne notamment la crise de l'école, celle des institutions et du droit, celle de la paternité, celle des héritages (culturels, intellectuels et biologiques). Le tout lié organiquement.
  • - Derrière "crise de l'éthique" qui prolonge celle de la parole (j'oserais dire au profit d'une hypertrophie de l'image et de la représentation), il évoque essentiellement la "crise de l'autre", la parole de l'autre avec un petit "a" (les oubliés, les sans droits, les sans parole), la parole de l'Autre avec un grand "A" (c'est naturel pour un moine). Cette crise de l'éthique se reflète par exemple dans la pensée unique, celle qui prétend qu'il n'y a pas d'autre alternative que le regard économiste et la "croissance". Croissance de quoi ?
  • - Enfin, par "crise spirituelle", Hugues Minguet parle de celle des valeurs (non boursières) et de la transcendance. L'oubli de l'infini... et peut-être aussi de notre finitude.
Cependant, Hugues Minguet ne s'exprimait pas du tout en prophète de malheur, mais avec un large sourire apaisé et contagieux. Nous avons souvent ri. Il a expliqué qu'il proposait aux entreprises des "audits spirituels", du "moinagement" (les bénédictins étant la plus vieille multinationale du monde : "on en a vu d'autres !"). Pour lutter contre la crise et plus encore contre l'esprit catastrophique, il offre des outils très concrets concernant les rapports à l'argent, à la technique, à l'organisation, au commerce, à la communication, mais aussi au comportement (accent sur la confiance), sur la qualité des réseaux, sur la justice et la "justesse" (parole et discrétion), sur le partage, sur les talents, sur le service... et qu'on peut prolonger dans le rapport à l'environnement, dans un esprit de responsabilité sociétale.
  • Hugues Minguet n'est pas un philosophe. Il est un homme typiquement et tranquillement bénédictin, homme de prière, de contemplation et homme d'action... et ancien cadre d'entreprise, ai-je dit plus haut. Il est surtout un homme profondément unifié. Le corps, l'aura, la sensibilité reflétaient l'âme et le coeur, et un esprit fait d'humour et de robustesse, d'écoute et de surprise (il répondait aux questions, sans langue de bois ou inversement sans désespérance).
Nous voici revenu au point de départ : unité et sens de l'altérité (comme l'apparaissait le bénédictin). Une caractéristique d'une crise est la dissolution du coeur, l'explosion et donc la perte de l'unité. Une autre caractéristique est la disparition d'un extérieur. On ne sait plus sur quoi s'appuyer ou se repérer, comme le plongeur entraîné dans un flux incontrôlable et qui ne voit ni la surface, ni le fond. Quand la crise est là, une tendance naturelle est de s'identifier à elle au point qu'elle s'empare de notre pensée. Peut-être est-ce une dérive des écrivains et acteurs cités au début de l'article.
  • Hugues Minguet nous a au contraire proposé l'image d'un homme debout et serein, capable de parler de la crise de front avec humour et sans dramatiser...
Son diagnostic est le même que celui des penseurs cités, mais sa disposition d''esprit est à l'opposé de leur discours. Choix fondamental sur lequel je vais revenir...

(Suite dans un prochain article)
Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Mercredi 29 avril 2009 3 29 /04 /2009 10:13
Pour fond d'écran, si vous le désirez...

La Grande Sûre en Chartreuse (1800 m) depuis le Col de la Placette, près de Grenoble.

En hommage à mes deux frères morts en montagne l'un il y a plus de trente ans
dans un accident après une escalade à l'Aiguille du Midi,

et l'autre il y a un an et demi
sur les pentes du Pic du Midi d'Arrens, en Pyrénées,


et plusieurs connaissances proches emportés par des avalanches cet hiver.

(cliquer pour agrandir - format 1260 x 960)


Par Nicorazon - Publié dans : Planète village
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Jeudi 23 avril 2009 4 23 /04 /2009 20:00
- articles précédents (2) et (1) -

Ce matin, je décide de me rendre à mon nouveau travail à pied.
À pied, n'exagérons rien : il me faut prendre la voiture jusqu'à Chambéry (20 Kilomètres), zigzaguer dans les bouchons à l'entrée de la ville, garer la voiture (par chance, je connais une petite place réservée handicapé, jamais prise), prendre le train jusqu'à Grenoble (une heure de voyage), descendre à Grenoble-Gières, à côté du campus universitaire. Je découvre le trajet pour la première fois.
Marcher sur l'asphalte, habituellement, me fatigue.
Depuis la gare de Gières jusqu'à mon nouveau boulot, à Meylan, il y a trois kilomètres environ. C'est parti.
  • Tram Grenoble Au début, c'est simple. Je traverse un quartier résidentiel calme, en suivant la ligne toute moderne de tramway. Pas de voiture, un sifflement à peine audible lorsque le tramway me dépasse ou me croise.
  • J'arrive sur le campus universitaire. Fini l'asphalte et le goudron. Ici, pelouses et chemins de terre, pavements et pierres. Grand bonheur et respiration. Je savoure chaque pas. Voici le centre de formation continue où j'ai failli travailler. Puis survient la Faculté des lettres Stendhal : des étudiants circulent en tous sens. Mais surtout, sur les pelouses, des tentes sont plantées, des étudiants jouent de la guitare, d'autres distribuent des tracts ou sirotent à la terrasse d'un café. Ah oui, j'avais oublié : il y a des grèves. Cela m'évoque de bons souvenirs d'autrefois...
Maintenant, c'est le bâtiment austère et assez moderne des mathématiques pures. En France, on distingue les maths pures, celles de l'élite, des maths appliquées, celles des vulgaires. Le philosophe Pierre Thuillier s'était amusé non sans humour de cette particularité franchouillarde dans son ouvrage "les savoirs ventriloques". Deux siècles après la Révolution ! J'avais dirigé un groupe de recherche avec des enseignants et des chercheurs du CNRS sur ce thème.
  • Ah voici la faculté et les instituts de chimie. Souvenirs, souvenirs. Autant j'ai détesté la chimie à l'université, autant je l'ai aimée dans les entreprises où j'ai travaillé... Elf, Péchiney, les colonnes de distillation, les réacteurs et les tuyaux chargés de produits toxiques, les fours fumants et crachant du feu et des coulées brûlantes de phosphore en fusion, bruits métalliques, odeurs inquiétantes. Un monde de mecs, à la fois durs et touchants quand je les avais en formation.

    Ici aux abords de la faculté, les pelouses sont mal entretenues, les bâtiments décrépis ou rouillés, les vitres sales. Un étudiant en blouse blanche passe portant un récipient en bois chargés de tubes à essais. Ambiance triste, voire déprimante. Ainsi va la recherche en France... Bien inquiétant, tout cela.
Suit le bâtiment de la météo. Il me faut rejoindre l'Isère car j'ai repéré sur la carte une passerelle piétonnière. La météo ? Carrément la forêt vierge. Pas de passage visible. L'écosystème n'est pas ici en danger. On a dû intégrer, par défaut, le concept de développement durable, face au dérèglement climatique. Je reviens en arrière, je cherche, ce qui est naturel dans des lieux de recherche. Passerelle de Meylan

Ouf, un pa
ssage à travers les bois et ... surprise ! l'Isère dans toute son agitation torrentielle. Et voici la passerelle. Deux étudiants amoureux enlacés la traversent tranquillement. Je ne veux pas les déranger. Je m'arrête au milieu du pont. Le c Dent de Crolles ourant est violent.
Face à moi, la Dent de Crolles,
 majestueuse
.

Quel étonnement et quelle sensation. Si proche ? J'aime cette montagne. La Dent de Crolles a une grande valeur symbolique dans ma vie : j'en dirai un mot dans un prochain article. Je la contemple. C'est trop beau : pas d'autres ponts, aucune route en vue, des bois et le vacarme de l'Isère. Je suis à deux kilomètres de Grenoble à vol d'oiseau.
  • De l'autre côté de la passerelle, le Parc de "l'île d'amour". Ça ne s'invente pas. Les amoureux ont disparu dans les buissons. Des fleurs, les arbres du printemps aux teintes vertes variées, des chants d'oiseaux sur fond très lointain de bruits de voiture ; des marcheurs qui soufflent et qui rient. Un groupe d'enfants avec leurs deux institutrices, charmantes je dois l'avouer.
  • Je longe l'Isère, tourne à angle droit et je débouche sur une usine d'incinération. De l'autre côté du chemin, un champ de tulipes destiné, d'après une pancarte, à lutter contre le cancer. Je savoure la cocasserie de la situation. Pourquoi pas, après tout !
Malheureusement, il faut traverser la voie rapide à travers un rond-point compliqué :  cacophonie des véhicules, CO2 et gymkana personnel pour trouver le passage piéton.

Enfin ou plutôt déjà, la petite rue de Meylan où se situe mon nouveau lieu de travail. J'ai marché une heure trente, je suis en pleine forme, sans aucun sentiment de fatigue, avec le sentiment d'avoir pleinement vécu.
La réunion de travail qui suit se passera dans la bonne humeur et l'efficacité.

*

Foule gare Saint Lazare Il y a quelques mois, je devais me rendre à une réunion de formation d'ingénieurs à Paris. Un proche me dit : "fastoche, tu débarques à la Gare Saint Lazare et tu traverses le 9ème arrondissement". Cauchemar : trois quart d'heure de marche seulement, fatigue, nervosité, écorchures sous ma prothèse... Presqu'aucun souvenir de la marche, sinon celui de bousculades de passants qui déambulent à toute allure, écarts pour éviter poubelles, échoppes, crottes de chien, vacarme des voitures, cyclistes et rollers sur les trottoirs, agression des couleurs dans les boutiques et des lumières intermittentes et "flashies", asphalte sale et dur.
Suis-je passé à côté d'un bâtiment chargé d'histoire, d'une oeuvre d'art ou d'un parc ? Je n'ai rien vu. L'impression est floue, violente, infernale... mortifère.
Le bâtiment où je travaillerais la journée m'apparaît comme un refuge dans un univers de folie.

La marche, oui. Mais dans un environnement de vie... SVP. Comme disait Alphonse Allais, "on devrait bâtir les villes à la campagne, l'air y est meilleur".
Par Nicorazon - Publié dans : cogito "ego" sum
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